dimanche 24 mai 2009

Coopératives bancaires à la Suisse...


Reçu d'un ami français

Bonjour François,
 
Sûrement l'objet de ce lien ne t'apprendra absolument rien.
Je l'ai répercuté à différents endroits sur internet.
Le gros avantage de cet exemple est que c'est une réalité concrète historique et maintenant d'actualité.
Le système bancaire intérieur (ou domestique) de la Suisse, mériterait d'être bien mieux connu, basé qu'il est sur la subsidiarité, c'est à dire allant de bas en haut, et non l'inverse comme presque partout ailleurs. On en avait parlé plusieurs fois au Canada.
 
J'ai remarqué une chose d'après quelques bribes de réflexions lues ici et là, c'est que nombre de gens ne voient que la Suisse-coffre-fort, dans le meilleur des cas d'argent gris, pour ne pas dire argent noir, et tous les clichés équivalents. C'est stupide!
 
Outre ce lien, si tu connais des sites ou des liens spécifiques, pédagogiques, traitant clairement et pas trop longs du système bancaire intérieur suisse, sans t'obliger, merci d'avance si tu peux me les envoyer. ...

Voir:

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=1258 
 
 
le même repris sur un autre site

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article74754

Comparaison de divers revenus mensuels

Comparaison en euros

I* Travailleur normal :
(Revenu issu du travail)
2 500 €
IIIIIIIIIII

Travailleur à gros salaire :
(Revenu issu du travail)
25 000 €
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

50 fois millionnaire :
(Revenu issu des intérêts**)
250 000 €
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIII

* chaque trait signifie 2 500 € / ** pour un taux d'intérêt de 6 pour cent

© Helmut Creutz / Tableau G
 
Le "miracle monétaire" de Schwanenkirchen, en Suisse  www.wir.ch rue du Simplon 3, Lausanne
 
En 1919, se forma en Allemagne une association "franchiste" qui avait pour but l'instauration générale d'une "économie franche"... Finalement, un ami du défunt Silvio Gesell, Hans Timm, émit un "billet d'échange" qu'il appela "Wara", mot symbolique composé avec Ware : marchandise et Warung: valeur monétaire. Son organisation s'appela: "Société d'Echanges Commerciaux Wara"

Cette monnaie libre fut émise en valeur nominale de 0.5, 1, 2 et 5 wara et pouvait être acquise par les membres de l'association pour un nombre de marks correspondant. C'est seulement dans des cas d'extrême urgence que la wara devait être reconvertie en marks. Tout adepte de cette doctrine se devait de faire passer l'intérêt de la collectivité avant le sien propre mais avec l'espoir de profiter par la suite des avantages acquis au nom de la collectivité...

L'avantage de l'argent sur la marchandise réside dans le fait que toute marchandise perd de sa valeur avec le temps tandis que l'argent conserve la sienne. D'autre part, les franchistes veulent que l'argent ne soit autre qu'un moyen d'échange qui a pour seule couverture la confiance dans le travail et l'activité du peuple qui s'en sert. En outre, les franchistes sont d'avis qu'une monnaie qui diminue progressivement de valeur circulera beaucoup plus vite et sera ainsi plus productive qu'une monnaie qui soi-disant ne perd pas de sa valeur... mais qui peut être thésaurisée et servir aux spéculations de toutes sortes...

Pour débuter, les franchistes créèrent dans un cercle restreint de leur organisation cette monnaie d'échange... Unité de la wara = un mark. Perte de valeur: 1 % par mois, compensable par le collage d'un timbre. Jusqu'en 1931, la Wara ne retint pas l'attention du grand public...

Schwanenkirchen : 1927-1930

Schwanenkirchen est une petite commune de la forêt bavaroise, une contrée sauvage, isolée, aux communications difficiles et archaïques. Un pays où le matériel "roulant' usagé rend ses derniers services avant sa réforme définitive, où des centaines de villages ne connaissent ni canalisations d'eau ni électricité, où les enfants font des kilomètres à pied en sabots pour aller à une école dont le maître doit s'occuper de sept classes à la fois...

La région est triste: l'exploitation des mines est arrêtée, les carrières abandonnées, les artisans chôment, les commerçants attendent vainement de problématiques clients, les marchands de bestiaux traînent sur des dizaines de kilomètres avec leurs bêtes in habituées à la marche par un trop long séjour dans les étables, et reviennent des "foires" sans avoir pu réaliser la moindre affaire.

La mine de Schwanenkirchen est abandonnée. Elle avait été exploitée par une société anonyme avec administrateurs, directeur, contremaîtres et tout un appareil bureaucratique complexe. Celle mine qui produisait un charbon de qualité moyenne, avait fait vivre les ouvriers des environs ainsi que les commerçants et était un des facteurs économiques principaux de l'endroit... Or, la société fit faillite et l'exploitation fut abandonnée.

C'est alors que l'ingénieur Hebecker acquit la mine aux enchères dans le secret espoir de l'exploiter à son compte. Hélas ! il ne trouva personne pour financer l'entreprise. Qui aurait voulu investir des capitaux dans une contrée aussi inaccessible.

Ainsi faute d'argent, plus âme qui vive ne descend dans les galeries, les eaux dépassent le fond de 50 mètres, les mineurs vont par de tristes sentiers au bureau du chômage et l'ingénieur habite seul à côté de son puits noyé... Une misère inhumaine règne dans tout le pays.

Schwanenkirchen : 1930-1931

La mine a brusquement repris son activité... Des pompes puissantes aspirent l'épaisse couche de liquide, des scaphandriers desoendent la tour d'extraction qui avait été incendiée est reconstruite; à un rythme régulier les ascenseurs montent et descendent et les wagonnets emportent le charbon a la gare à une cadenoe jamais connue. Le fonctionnaire du bureau de chômage ne voit plus ses soixante habitués... les restaurants sont remplis de consommateurs, les bouchers de Hengersberg vendent tous les samedis leur quintal de viande, les propriétaires des bureaux de tabac entendent avec plaisir la sonnette de leur magasin, les quincailliers font un chiffre d'affaires inaccoutumé, les costumes et les chaussures se vendent comme jamais auparavant... Toute la contrée a pris un aspect de gaîté et d'espoir... Et ceci au moment même où le monde entier subissait les jours sombres de la crise économique générale (la "crise de 29").

Que s'était-il passé? Un miracle? Un mécène? Un magnat américain ? Non ! Mais un magicien a remis en route les engrenages rouillés de l'economie régionale.

Voici en quelques mots la clé du mystère:

L'ingénieur Hebecker était franchiste. Voyant les portes de toutes les banques se fermer devant lui, il s'adressa à ses amis franchistes leur demandant la possibilité d'une avance de fonds en leur faisant remarquer que c'était une excellente occasion de propagande pour la société. Ceux-ci comprirent toute l'importance d'une expérience pratique et donnèrent 50000 wara à Hebecker.

Alors une chose stupéfiante commença. Pendant qu'à Berlin et dans toutes les capitales du monde, les ministres s'affairaient vainement sur les problèmes de crise, baisse des prix, économies, chômage, la petite agglomération de la foret bavaroise, Schwanenkimhen, en se rendant indépendante, se soustrayait à la misère mondiale.

Comment cet ingénieur réalisa ce prodige?

lI fit rassembler les mineurs réduits au repos forcé depuis des années et leur annonça que le travail dans la mine pouvait reprendre. Il leur déclara qu'il n'avait pas d'argent pour les payer mais quelque chose qui pouvait en tenir lieu pour peu qu'ils fassent confiance à cette "wara". Les mineurs examinèrent les "billets jaunes" et répliquèrent à l'ingénieur que leur propre confiance avait beaucoup moins d'importance que celle du boulanger, du cordonnier et des commerçants en général... qui devaient leur donner -en échange- des matières comestibles, des vêtements, etc.

Ne rencontrant pas assez de compréhension cher les producteurs et les commerçants de la région, Hebecker organisa alors une cantine alimentée par ses amis franchistes d'Allemagne centrale qui, eux, acceptèrent la "wara" en paiement. Quelques semaines plus tard, l'ingénieur eut la visite des commerçants fort mécontents de ce système qui, d'après leurs doléances, leur enlevait définitivement- toute possibilité de vivre. Ils voulurent avoir de plus amples détails sur ces "billets" et l'assurance de gagner de l'argent en les utilisant. Le patron de la mine leur expliqua que la plus grande partie du salaire de ses ouvriers allait au boulanger, puis de celui-ci au boucher qui les donne à son tour au tailleur, au cordonnier, au forgeron et ainsi de suite... c'est-à-dire que ces billets peuvent -mieux encore que l'argent de l'Etat - rester constamment en circulation. Mieux encore que les billets officiels qui sont thésaurisables. Il leur déclara en outre qu'au cas où d'importantes sommes de wara devraient s'accumuler, les franchistes s'engageraient "exceptionnellement" à les rembourser contre des marks.

A partir de ce moment-là, le "nouveau système monétaire" fonctionna comme une machine bien réglée. Hebecker a remis an route la mine, occupé quarante ouvriers et "revitalisé" l'économie dans trois villages.

Quand après deux ans de chômage consécutifs, les ouvriers touchèrent leur première paie, aucun d'eux n'avait intérêt à garder un seul centime. La totalité de leurs appointements alla aux commerçants pour couvrir les dettes et pour acquérir les denrées de première nécessité. Les commerçants, réticents et sceptiques d'abord, durent se rendre à l'évidence qu'aucune autre monnaie n'étant aux mains des consommateurs, il valait mieux l'accepter que manquer la vente. Ils ne tardèrent pas à remettre leurs "wara" aux grossistes et producteurs ; ces derniers cherchaient à placer le plus rapidement possible leurs billets et s'approvisionnèrent en charbon à la mine Hebecker. Ainsi fut établi le circuit de la "wara" dont une grande partie retournait à la mine pour se transformer en salaire tout en contribuant à améliorer le bien-être général. Quelques mois après, cette petite localité était méconnaissable. Tout le monde avait payé ses dettes et un air de franc optimisme soufflait à travers le pays...

Le succès de cette expérience -au milieu de la crise économique mondiale- se répandit dans toute l'Allemagne. Des reporters venus de tous les horizons pour être témoins oculaires du "miracle de Schwanenkirchen" affluèrent dans le pays. Même les U.S.A. en parlaient dans leurs journaux financiers. Sans toutefois donner la vraie raison du miracle, ils mentionnèrent simplement l'essai d'une monnaie dynamique, inthésaurisable. Il n'est pas douteux que si Hebecker avait tenté de remettre la mine en route avec 40000 D.M., il aurait abouti à un échec certain. L'argent serait passé en une ou deux mains seulement et chacun l'aurait gardé -en réserve- en raison des mauvaises conjonctures économiques...

Pour terminer l'histoire de la "wara" , il faut ajouter que dans toute l'Allemagne, des milliers de commerçants l'acceptèrent et que d'autres communautés comptaient appliquer ce système monétaire. Disons encore que ce mouvement eut une certaine influence en Allemagne :il combattit la politique déflationniste du gouvernement Broning et beaucoup de gens trouvèrent du travail.

Mais le gouvernement se mit à s'occuper de l'affaire sous prétexte que la "wara" était une monnaie et son émission en contravention avec un droit que seul l'Etat possède. Au tribunal, la "wara" gagna le procès. Mais le gouvernement continua son opposition en prétendant qu'elle pouvait conduire à une dangereuse inflation... hélas! le gouvernement ne sut pas faire la distinction entre inflation qui part à zéro pour atteindre des chiffres astronomiques et la modeste "wara" qui part au bord du précipice pour ramener l'économie sur la terre ferme sans pour cela demander une aide extérieure... Finalement, l'arbitraire peut arrêter le bon sens: la wara fut interdite. Le résultat ne se fit point attendre: Schwanenkirchen et les autres villages pour lesquels la wara était "le fluide vital" de la machine économique furent de nouveau réduits au marasme complet...

Un décret du Chancelier Brûning en date du 30 octobre1931, interdit forrnellement en Allemagne l'usage de la wara, de la monnaie timbrée et des bons d'échanges en général... La France ne s'est pas montrée plus libérale que l'Allemagne puisqu'elle interdit le fonctionnement des "Mutuelles d'échanges" que quelques pionniers franchistes avaient instituées dans notre pays...

Pour conclure ce bref exposé, voici le point de vue des intéressés:

Les commerçants : "Nous sommes heureux de perdre 1% par mois du moment que nous pouvons compter régulièrement sur le salaire de quarante ouvriers. Sans la "wara", la mine serait morte, les ouvriers au chômage et notre recette nulle. Une monnaie "timbrée' est préférable à une monnaie fantôme".
Les ouvriers : "Nous ne perdons pas les 1% mensuels, notre salaire va immédiatement dans les magasins d'alimentation où nous n'avons plus aucune difficulté à les placer Nous serions heureux d'avoir beaucoup de "wara", car sans leur institution, nous serions encore dans la misère".
Les franchistes: "La wara cette petite coupure jaune signée par des inconnus- ne contrevient à aucune loi car ce n'est pas une monnaie! La wara n'est qu'un "instrument d'échange" émis par la " S.E.C. Wara". Ce n'est pas de l'argent : la wara n'a pas de couverture et n'est pas remboursable. D'autre part, la wara ne rapporte pas d'intérêt et ne se prête pas à la spéculation...".

 
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4 – Le « miracle monétaire » de Wörgl :

Voici une analyse détaillée du « miracle monétaire » de Wörgl
Dans L'Illustration du 9 septembre 1933, Claude Bourdet terminait en ces termes un article sur la métamorphose de Wôrgl : Wôrgl est devenu aujourd'hui un lieu de pèlerinage pour tous les « économistes libres » du monde entier...
Le 17 février 1934, dans une conférence radiodiffusée par plusieurs radios américaines, le professeur Fisher recommandait Wôrgl comme le meilleur exemple de cette « monnaie datée » qu'il souhaiterait voir introduire partout. Il la déclarait seule capable de combattre la pauvreté et le chômage.

Que s'était-il passé ?

Auparavant, la ville de Schwanenkirchen, dans une situation dramatique due à la crise (1931), avait retrouvé la prospérité en quinze mois. Grâce à la « monnaie franche » de S. Gesell. Celle-ci perdait sa valeur si on n'y apposait pas un timbre de 1 % au 30 de chaque mois. Elle tournait plus vite et permettait plus d'échanges ; car les possesseurs de billets cherchaient à éviter de payer cette « taxe à l'inertie ».
La commune autrichienne de Wôrgl était une petite ville industrielle. En 1932, elle comptait 4300 habitants, dont 1500 étaient chômeurs (60 %).
Les impôts ne rentraient pas et la situation financière de la ville était désastreuse.
Voulant mettre fin à ce marasme, le bourgmestre avait suivi avec intérêt l'expérience de Schwanenkirchen. Pour vaincre les difficultés de trésorerie de son administration, il décida de se servir de la « monnaie franche ».
« L'incitateur » serait la municipalité après accord avec une majorité de citoyens, ouvriers, commerçants, ainsi que la Caisse municipale d'épargne.
L'application pratique fut la suivante : tous les employés municipaux (y compris le maire) toucheraient 50 % de leurs appointements en « monnaie franche » et les nouveaux seraient totalement rétribués avec cette monnaie.
Conformément à ce plan, il fut émis 32.000 schillings le 1er août 1932 en billets de 1, 5 et 10...

Les résultats tangibles

Certains commerçants de Wôrgl, tout comme à Schwanenkirchen, refusèrent au début d'accepter cette monnaie qui avait une trop grande ressemblance avec la monnaie légale ; mais quand ils se rendirent compte de l'intensité de la circulation et constatèrent que les employés et ouvriers municipaux achetaient dans les boutiques qui acceptaient cette monnaie auxiliaire, l'esprit de concurrence reprit bien vite le dessus et ils suivirent l'exemple des autres...
Or, après l'introduction de la « monnaie franche », non seulement les impôts courants furent payés, mais la ville réussit à solder tous ses arriérés, elle put faire exécuter, dans le deuxième semestre 1932, 100.000 schillings de travaux : sept routes neuves, sept km d'asphaltage ; douze nouvelles rues furent projetées... On étendit le système de canalisations. On planta des arbres, on reboisa la forêt... La vie économique prit une intensité incroyable... Et il y eut du travail pour tous !
Les banques profitaient également de cette activité retrouvée.
Au 1er janvier 1933, Wôrgl avait une nouvelle piste de ski (tremplin) et une piscine... Un nouveau pont en ciment armé portait l'inscription : « Construit en 1933 avec de l'argent libre ».
Déjà plusieurs communes voisines allaient être admises par Wôrgl dans le système. C'est alors qu'une plainte contre le maire de Wôrgl fut déposée à la Cour suprême de Vienne... Le Conseil municipal contre-attaqua... en prouvant :
- que la commune avait pu payer tous ses arrérages sur les impôts (120.000 schillings),
- qu'elle avait réussi à exécuter bon nombre de travaux publics de première nécessité,
- que le chômage avait été complètement résorbé,
- que l'économiste américain, le professeur Irving Fisher, de l'Université de Yale, avait envoyé en décembre 1932 une commission pour étudier cette expérience,
- qu'il ne s'agissait que d'une « monnaie auxiliaire » et non d'une monnaie véritable.

Rien n'y fit ! De procès en procès, la Banque d'Autriche plaida l'atteinte à son privilège d'émission par cette monnaie « hérétique » (sic). La commune fut obligée de retirer ces « bons »...
La manière dont le tribunal a débouté Wôrgl de son recours montre qu'elle reconnaissait les effets très positifs de cette expérience, qui avait conduit à une reprise économique rapide, mais qu'elle refusait de la laisser poursuivre, renvoyant de ce fait les citoyens à la misère.

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5 – Ithaca : Article du NOUVEL OBSERVATEUR - Jean - Paul Dubois


Cette ville de l'État de New York a sa propre monnaie et se passe très bien d'un billet vert qui, selon ses habitants, ne sert qu'à enrichir les multinationales.
Vous savez la meilleure ? Ça marche !

Ce que l'on fait? On est au chaud, dans une voiture, et l'on suit un homme qui pédale sur son vélo par une température proche de zéro. Ce que l'on voit? Un casque blanc en polystyrène, le bout d'une barbe rousse et le dos voûté de ce cycliste qui peine sous un voile de pluie et les bouffées du vent. Sa roue arrière remonte une gerbe d'eau qui ruisselle en cascade sur son anorak. On a eu beau insister, tout à l'heure, pour l'emmener dans la berline, il n'a rien voulu entendre : « Je ne conduis pas les automobiles. Et je ne m'assieds pas davantage dedans. C'est ma philosophie. » La scène se passe à Ithaca, État de New York. Dans cette ville, la firme Borg Wagner fabrique, pour le monde entier, les boîtes automatiques des voitures les plus réputées. Mais pour changer de vitesse, Paul Glover vous dira que l'on n'a jamais rien inventé de mieux qu'un bon dérailleur à câble. C'est comme ça. Et il n'y a pas à discuter : "Je n'aime pas ce qui pollue. Je refuse aussi de prendre l'avion. À la rigueur, parfois, quand je n'ai pas le choix, j'emprunte le train. Lorsque, de surcroît, vous apprenez qu'il y a quelques années cet homme a mis six mois pour effectuer à pied la diagonale Boston-San ? Diego "afin de découvrir à quoi ressemblaient vraiment les tempêtes, les orages, les hommes et les animaux de ce pays", vous pensez avoir affaire à un flâneur fêlé,

Et vous ne pouvez pas vous tromper plus allègrement. Car L'homme qui là, devant nous, trempé jusqu'aux os, mouline dans la tourmente est l'économiste le plus astucieux de l'État, le "banquier alternatif" le plus populaire, le plus zazou, et le plus à gauche que la finance ait jamais connu. Le "New York Times", le "Wall Street Journal", "Associated Press" et même le magazine ultracapitaliste "Across the Board" lui ont consacré de longs articles dithyrambiques.

Cela est d'autant plus surprenant qu'il n'y a sans doute pas au monde quelqu'un qui méprise plus l'argent en général dollar en particulier que Paul Glover. Au point d'inventer et de lancer en 1991, dans sa ville, une nouvelle unité monétaire. Dont il imprime lui-même les billets. Et que la plupart des commerçants, des administrations et même une banque acceptant. A Ithaca, on estime que 2 millions de dollars de cette « monnaie de singe » sont aujourd'hui en circulation. Cette devise locale s'appelle l' "Ithaca hour". Et, consécration suprême, George Dentes, le procureur du comté, a récemment annoncé « qu'il en cuirait aux aigrefins tentés de contrefaire les talbins bigarrés bricolés par Glover puisqu'ils seraient désormais punis aussi sévèrement que s 'ils fabriquaient des faux dollars ». Je dirais que cela devrait être même plus durement sanctionné, ajoute Paul. Car l'Ithaca hour est une monnaie réelle dont la contrepartie représente le travail palpable de gens qui existent, tandis que le dollar est une monnaie de Monopoly des espèces dépecées de toute matérialité, qui n'ont plus d'équivalent or ni même argent, mais seulement celui d'une dette nationale de 5 200 milliards de dollars. En Amérique, le plus grand fabricant de fausse monnaie, c'est l'État .
Ne vous y trompez pas. Ce discours n'est pas celui d'un quelconque milicien antifédéraliste fascisant comme on en rencontre un peu partout dans ce pays. Paul Glover serait plutôt tenant d'un nouvel ordre économique bienveillant, reposant essentiellement sur des marches de proximité, des marques de civilité et des échanges de bons procédés. Évidemment, une telle théorie mérite d'être explicitée. Ancien publicitaire et journaliste, diplômé de gestion municipale, Glover se met en 1991 à observer les mouvements de l'argent dans sa ville. Ce qu'il voit. Les banalités de base du capitalisme : de puissantes compagnies, de grandes chaînes nationales de magasins qui s'installent à Ithaca pour aspirer l'argent local avant de le réinvestir ailleurs.

Glover n'a plus alors qu'une idée en tête. Désamorcer cette pompe à finance, diminuer le débit de ce vorace pipe-line, afin de le remplacer par on système d'irrigation en circuit fermé. Que l'argent tourne, circule, soit, mais sur place, entre soi. C'est alors que lui vient l'idée de l'Ithaca hour, cette unité monétaire que l'on ne pourrait gagner et dépenser que dans la Communauté. En vendant ou en achetant des services et des biens produits localement. Et voilà comment, pour lutter contre le capital, Glover se mit à battre monnaie. Le plus difficile, dans cette histoire, fut bien sûr de convaincre les 30 000 habitants de la ville et les 40 000 étudiants de la toute proche université Cornell que ce papier singulier, qui sur ses deux faces proclamait narquoisement "In Ithaca we trust ", était autre chose qu'une facétie antitrust. Le temps et la nature même de ce séduisant nouveau système d'échange se chargèrent d'instaurer la confiance.

Comment ça marche? Le billet de base, l'Ithaca hour, vaut 10 dollars, ce qui représente en gros le salaire moyen horaire payé dans cette ville, explique Paul Glover. Prenons maintenant un fermier qui vend pour 20 dollars de fromage. À la place de la monnaie nationale, il reçoit donc deux heures de travail gratuit. Avec ce petit capital, il achète par exemple les services d'un menuisier, qui lui-même fait appel au savoir-faire d'un mécanicien, lequel utilise ces heures pour payer son chiropracteur, qui lui se sert de ces billets pour s'offrir quatre places de cinéma, et ainsi de suite. C'est un système sans fin qui grandit de lui-même, une économie écologique, en vase clos, qui s'écarte du dollar et où le temps de travail réel remplaces les liquidités abstraites."

Au début, l'affaire ne tournait que sur une centaine de commerces. Aujourd'hui, ce sent 1 450 boutiques et entreprises qui acceptant cette devise locale, et une revue publiée tous les deux mois remet à jour la liste des participants. À Ithaca, on peut pratiquement tout acheter avec ces coupures. Des dîners en ville, des réparations de toiture, des légumes, du mobilier et même des voitures d'occasion. La mairie et la chambre de commerce ont avalisé la devise, et l'Alternatives Federal Credit Union, une banque des plus officielles, facture certaines de ses charges et quelques frais de crédit en Ithaca hour, « Je ne suis pour rien dans le succès de cette méthode » insiste Glover. « Ce sont les gens de la ville qui ont permis que cela réussisse. Parce qu'ils ont cru en ce système ».

Le plus étonnant, c'est que ce système de troc moderne fait des émules. Vingt-cinq villes, dont Hardwick (Vermont), Waldo (Maine), Santa Fe (Nouveau Mexique) et Kingston (Canada), ont édité, le plus légalement du monde, leur propre monnaie. Et cela grâce aux conseils que Glover dispense sur Internet, mais aussi avec l'aide de son kit de lancement, qu'il vend avec une vidéo pour 40 dollars.
Une banlieue de Mexico tente, elle aussi, l'aventure, et le jour de notre arrivée, sur son vélo, notre hôte filait à un rendez-vous que lui avaient fixé des émissaires zapatistes désireux de s'informer sur cette nouvelle forme d'économie. "Ils cherchent un moyen de rendre financièrement viable leur révolution, de sortir des circuits classiques de L'argent, dit Glover. Vous savez, cette forme de troc est très intéressante pour des pays pauvres, et j'ai eu plusieurs contacts avec des États africains."

En attendant, à Ithaca, on peaufine le système.
La librairie Autumn Leaves est un peu la banque centrale du système. (C'est ici que l'on vient changer ses dollars en Ithaca hours, jamais l'inverse).
"Pas de spéculation, pas d'inflation, observant Stephany Marx, le gérant. Nous émettons de nouveaux billets quand cela est nécessaire, a mesure que l'organisation grandit. Et, comme routes les banques, nous remplaçons les coupures endommagées. Pour faire basculer les derniers sceptiques, voici un florilège des appréciations que les habitants de la ville portent sur leur monnaie. Michael, graphiste : "Les Ithaca hours sont la meilleure chose qui soit arrivée dans notre cité depuis l'invention du pain en tranche." Joe, marchand de disques: "Cela reflète notre philosophie, stimule notre agriculture, notre artisanat, et responsabilise nos vies." Danny, électricien : "Notre argent reste ici et nous nous entraidons, plutôt que d'enrichir des multinationales." Dave, professeur d'économie : Cette organisation parallèle crée un lien de solidarité et donne notamment la possibilité à des chômeurs de trouver un emploi." Eli, rabbin : 'Les "heures" sont une manière de rendre l'économie humaine, d'y ajouter une note chaleureuse et fraternelle." Charlie, fabricant de tambours: "Cette forme de troc nous permet, à ma femme et à moi, de manger plus souvent au restaurant." Bill et Cris, marchands de légumes: "Grâce à cet argent local, davantage de gens achètent des produits du terroir. Cela a fait augmenter nos ventes, et nous nous offrons désormais des petits luxes que nous n'aurions jamais pu nous payer en dollars. " Voilà succinctement résumée l'œuvre magique de Paul Glover, ce cycliste activiste aimé des zapatistes et célébré par la presse capitaliste.

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6 – En pleine guerre …


Les gouvernements autour de la planète consacrent 1.000 milliards de dollars américains à la défense, tandis qu'ils dépensent seulement 50 milliards de dollars pour le développement.

En pleine guerre du vietnam, les américains ont dépensé jusqu'à 8 milliards de dollars par jour pour maintenir leur armée dans cette région. Ce fut d'ailleurs une période d'abondance matérielle et financière sans précédent pour les américains

Compteur du cout de la guerre en Irak : http://costofwar.com/external link
Le 23 juillet 2004, c'était environ 124 milliards de dollars.

Quelle différence cela ferait-il pour l'économie américaine si au lieu de bombes ils avaient "parachuté" (c'est une image, évidemment) de l'outillage agricole, des réfrigérateurs, des écoles et du matériel hospitalier?
S'ils avaient proposé ce plan, ne croyez-vous pas que la coalition aurait été beaucoup plus étoffée?

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7 – Qu'est ce qui empêche un « plan Marschall Européen ? »


Voir un article …: Éradiquer la pauvreté en Europe et dans les PVD. La nécessité d'un "plan Marshall" européen en support sur le fichier joint à cette page (130 ko en "pdf") *,
(Proposition retenue au "Congrès Européen Citoyen" - Liège 22 et 23 septembre 2001 - )

Document dont la conclusion est la suivante:

Si un gouvernement peut émettre des « bons du Trésor » ou des obligations d'Etat, il peut émettre des crédits sans intérêt. Les deux sont des promesses de payer, mais l'un plombe les prix, et l'autre aiderait les populations. C'est une situation terrible lorsque le gouvernement, pour augmenter la richesse nationale, doit s'endetter et se soumettre à payer des intérêts ruineux à des structures privées qui contrôlent la valeur fictive de la monnaie. Dans un système où la monnaie est crée par le système bancaire privé, avec intérêt, chaque fois que nous voulons augmenter la richesse nationale d'un pays, nous sommes forcés d'accepter une augmentation de sa dette.

Un Plan Marshall Européen à destination des PVD et de l'Europe elle-même "est possible" et cela ne nous appauvrirait en rien, au contraire puisqu'il permettrait de développer une production écologiquement orientée en créant des emplois. C'est maintenant aux techniciens de la monnaie et aux économistes de proposer un "schéma pratique". Mais il est évident qu'il ne sert à rien d'un coté d'aider ces pays pauvres par une action telle que celle ci tout en les étranglant d'un autre en leur réclamant une dette et les intérêts qu'ils ne peuvent payer sans des sacrifices que nous n'oserions surement pas demander à nos propres populations.


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8 - Les mythes du déficit public …


Extrait du blog " econoclaste" http://econoclaste.fr.st.free.fr/blog/html/modules.php?op=modload&name=News&file=article&sid=104external link
07/03/05

A peine installé dans ses nouveaux meubles, T. Breton s'est empressé de se lancer dans le mélange de mantra et de démagogie qui caractérise tout ministre des finances qui se respecte : il va relancer la croissance, chercher à réduire le chômage, préserver le pouvoir d'achat, baisser l'impôt sur le revenu, et bien entendu, réduire les déficits et l'endettement public. Dans l'essentiel de ces domaines, le gouvernement n'a en pratique aucun pouvoir, il s'agit donc là encore de pur brassage de vent. En matière d'impôt sur le revenu, même si celui-ci est baissé, cela n'aura aucun effet en pratique : d'autres impôts, ou l'endettement public, augmenteront en compensation. Il s'agit donc de transferts de charges, pas de baisses d'impôts.
Et en matière de déficit? le contrôle du déficit, bien que critiqué, reste considéré comme indispensable, même en faisant abstraction des contraintes du pacte de stabilité. La majorité des critiques ne veulent qu'un adoucissement du pacte. Mais rares sont ceux qui considèrent le déficit public, son niveau, et la nécessité de sa réduction, comme totalement vide de sens. Il est plus que nécessaire de démonter les mythes attachés au niveau du déficit public.

Premier mythe : l'endettement public est une mauvaise chose, un danger pour la "soutenabilité" des finances publiques.

En réalité, la dette n'est qu'un moyen de financer la dépense publique, qui ne présente aucune différence avec un autre mode de financement (et même plutôt des avantages). Pour le comprendre, considérons l'exemple suivant (extrait de ce livre).
Considérons un individu qui charge un agent de se charger de ses achats de vêtements. Pour cela, il confère le droit à cet agent à la fois de décider du montant de ses achats, et du moyen de financer cet achat. Supposons que l'agent décide d'acheter pour 100 euros de vetements à l'individu. Le taux d'intérêt des prêts et emprunts est de 10%. L'individu dispose d'un patrimoine de 1000 euros. Trois moyens de paiement s'offrent : l'achat au comptant, l'achat à crédit remboursé au bout d'un an, et l'achat à crédit dans lequel le crédit n'est jamais remboursé : il faut simplement payer indéfiniment les intérêts.
- première solution, l'achat au comptant. Il reste alors 900 à l'individu, qui pourra les placer et en retirer un intérêt : au bout d'un an, sa fortune est de 990 euros + des vêtements.
- seconde solution, l'achat à crédit d'un an : pendant un an, l'individu a détenu 1000 euros, qui lui ont rapporté des intérêts : il se retrouve donc avec 1100 euros à la fin de l'année. Il doit payer sa dette et les intérêts de celle-ci, soit 100(1 + 10%) = 110; il lui reste donc 1100 - 110 = 990 + des vêtements.
- troisième solution, l'emprunt perpétuel : l'individu détient toujours 1100 euros au bout d'un an, d'où il déduit 10 euros d'intérêts. Mais il s'est désormais engagé à payer chaque année 10 euros : pour cela, il doit geler 100 euros, ne pas les consommer, pour pouvoir indéfiniment payer les intérêts de sa dette. Lui reste donc 1100 - 10 - 100 = 990 euros + des vêtements.

L'individu peux trouver que la quantité de vêtements achetés par son agent est trop élevée, ou trop faible : en tout cas, cet exemple montre qu'il pas de raison de me préoccuper de la façon dont il finance cette dépense. En remplaçant l'individu par l'ensemble des contribuables, et l'agent acheteur de vêtements par l'Etat, ce modèle devient encore plus réaliste : car si un individu mourra un jour, la population et l'Etat durent éternellement. D'autre part, si pour un particulier il y a une différence entre taux de prêt et taux d'emprunt (le second étant plus élevé que le premier), dans le cas de l'Etat et des contribuables, ce problème tombe : le coût de la dette publique est exactement égal à ce qu'elle peut rapporter à un individu qui achète des obligations d'Etat.

Second Mythe : le chiffre du déficit public a une signification.

En réalité, il s'agit pour une économie dans son ensemble de l'une des données les moins significatives. Le déficit, rappelons-le, est la somme de consommation de ressources par le gouvernement, de transferts (prélever sur Paul pour donner à Pierre), et d'intérêts de la dette, d'où l'on déduit les recettes publiques (dont les prélèvements obligatoires). Pour l'économie d'un pays, cette addition n'a aucun sens. En effet :
- les intérêts de la dette ne constituent pas, pour l'essentiel, une charge pour la population. Pour la population, la dette n'en est pas une puisque si elle n'existait pas, il faudrait leur prélever des revenus sous forme d'impôts. Cette économie réalisée par les contribuables constitue une forme d'épargne, car c'est comme si nous n'avions pas eu à réaliser un montant de dépense égal à l'endettement public. Les intérêts de la dette sont donc compensés par les intérêts que rapporte ces revenus que les contribuables n'ont pas eu à débourser. De la même façon, lorsqu'on affirme que chaque français doit supporter une dette publique de 15 000 euros, on oublie premièrement que cette dette est d'ores et déjà compensée : on oublie aussi qu'une bonne partie de cette dette est détenue par les ménages français, il s'agit donc d'un simple transfert.
- les produits s'échangent contre des produits, la dépense publique n'est qu'un voile : une dépense publique consistant à consommer des ressources réelles constitue une charge pour la population : ce sont autant de facteurs de production qui auraient pu être utilisés autrement (ajoutons que la valeur réelle de la production publique issue de cette consommation de ressource n'est pas non plus prise en compte); par contre, un prélèvement (comme par exemple le versement d'une pension de retraite à un fonctionnaire) ne réduit pas la quantité de produits disponibles pour la population dans son ensemble.
- les dettes sous-jacentes ne sont pas comptées. Lorsque l'Etat émet des titres, il reçoit une certaine somme d'argent contre la promesse de la rembourser plus des intérêts dans l'avenir : on appelle cela un endettement public. Lorsque l'Etat s'engage à payer les retraites des salariés d'EDF et reçoit pour cela le versement d'une soulte, l'opération est exactement la même : une perception immédiate contre un engagement futur. Pourtant, dans le premier cas, l'émission de titres est comptée comme déficit, dans le second cas, comme recette. De la même façon, l'essentiel des engagements publics n'est pas pris en compte dans la dette : les retraites futures des fonctionnaires, par exemple, ne sont pas comptabilisées comme engagement. Faut-il croire que cette dette n'existe pas?
- L'inflation réduit la dette publique (comme celle de toutes les personnes endettées). La charge de la dette, de ce fait, est beaucoup plus faible qu'elle n'appararaît.
- La main droite du gouvernement n'ignore pas ce que fait sa main gauche : on peut toujours nous effrayer avec une composante du déficit (les retraites sont en déficit, ou autres "trous de la sécurité sociale"); en réalité, il s'agit de pures fictions comptables. Par exemple, lorsque la Sécurité sociale est en "déficit", celui-ci est financé par émission de titres, réductions d'autres dépenses, ou prélèvements fiscaux. Au bout du compte l'opération est un ensemble de dépenses et de recettes publiques, que l'on lie pour des raisons obscures. C'est comme si on affirmait que les recettes de TVA servent uniquement à financer l'éducation nationale, que l'on fasse la différence entre recettes de TVA et budget de l'EN, et qu'on s'inquiète gravement du terrible problème du "déficit croissant de l'éducation nationale".

Troisième Mythe : le déficit public est un fardeau.

Ce mythe présente diverses formes : parfois, on fera pleurer dans les chaumières en annonçant que les générations futures seront criblées de dettes; ou alors, que l'Etat exerce une "éviction" sur l'épargne nationale en élevant par sa dette les taux d'intérêt.
- les générations futures hériteront peut-être de notre endettement; mais elles hériteront aussi de notre épargne accumulée, et de l'ensemble du patrimoine constitué avec celle-ci et avec les dépenses publiques. On peut toujours dire qu'une partie de la dépense publique actuelle ne "sert pas" aux générations futures : mais bien malin qui pourra dire laquelle. D'autre part, les générations futures seront plus riches que nous : les contribuables de dans 25 ans seront environ deux fois plus riches que les contribuables actuels. Le déficit constitue un moyen de redistribution des riches (les français de demain) vers les pauvres (les français d'aujourd'hui). C'est une forme particulièrement juste de redistribution.
- l'endettement public est aussi supposé faire monter les taux d'intérêt. Les études empiriques ne montrent que rarement un effet conséquent de forts déficits publics sur les taux d'intérêt dans un pays. La raison en est simple : l'endettement public est en même temps un prêt aux contribuables, qui bénéficient de la dépense publique sans avoir à la payer sous forme d'impôts immédiatement. En s'endettant, le gouvernement emprunte à Paul, et lui accorde un prêt du même montant. Cette opération peut être menée indéfiniment sans effet sur les taux d'intérêt. On l'a bien vu lors du passage à l'euro : de nombreux pays (à commencer par la France) ont atteint leur objectif à l'aide d'artifices comptables, voire de dissimulation de dépenses (si tant est que cela ai un sens). En pratique, cela n'a eu aucun effet sur les taux d'intérêt en Europe qui sont déterminés par d'autres variables.

Pourquoi ces élements ne sont-ils que rarement pris en compte, et pourquoi la mythologie du déficit survit-elle? Pour plusieurs raisons. La première d'entre elles est une faute de logique, la fausse analogie : un gouvernement, un pays, ne fonctionnent pas comme un ménage ou une entreprise. Une entreprise, un ménage, qui s'endette, le fait auprès d'un tiers; mais le gouvernement n'est pas séparé de la population de cette façon. Il y a beaucoup d'irrationnel dans la perspective sur le déficit : La légende dit même (d'après F. Lordon) que le chiffre des "3% du PIB" a été choisi par P. Beregovoy en référence au "pire" atteint par les socialistes durant leurs errements de 1981-1983. Ce chiffre avait une dimension cathartique, symbolique : sa portée économique est beaucoup, beaucoup plus discutable.
Mais la seconde raison est le caractère commode de la discussion sur les déficits qui permet, en s'attachant à un débat totalement dépourvu d'intérêt, de négliger les vrais problèmes posés par les finances publiques. La dépense publique est-elle utile, efficace, juste, correspond-elle à des besoins réels? L'impôt est-il simple, peu distorsif? Le système fiscal est-il juste? la redistribution fonctionne-t-elle de façon satisfaisante? N'y-at-il pas des gaspillages publics? Tous ces aspects, qui permettent de juger l'action concrète du gouvernement (car il peut agir sur ces variables-là, bien plus que sur le chômage ou sur la croissance), sont gommés par la mythologie du déficit. Et pour les gouvernements français, tout ce qui permet de dissimuler la réalité de l'action publique est bon à prendre. Sinon, les citoyens pourraient demander des comptes, ça ferait des histoires.


La coopérative: une formule magique

 

Un remède aux déviations du système bancaire?

par W. Wüthrich, Zurich

Un fait frappant: la crise financière oblige les caisses d'épargne et banques coopératives tenues par les cantons ou les communes en Suisse à faire des heures supplémen­taires. Elles sont littéralement envahies par une foule de nouveaux clients. Un phénomène que l'on observe aussi en Allemagne et en Autriche. – Pour quelle raison? Que représentent pour nous ces banques? Eh bien, des entreprises mutuelles «ciblées» sous administration publique, telles que maisons de retraite, gymnases, incinérateurs de déchets, etc. ont derrière elles des siècles de tradition. Les meilleurs prestataires pour ces tâches sont des coopératives aux structures démocratiques. On en connaît nombre d'autres dans l'agriculture, les biens de consom­mations, le logement. On sait moins – alors que nous nous trouvons en pleine crise financière que les coopératives de crédit mutuel ont joué un rôle central dans l'histoire du système bancaire. Une réflexion sur le passé met en lumière la genèse des banques et leurs tâches ainsi que les déviations actuelles.

Difficile de trouver un auteur qui ait mieux que Jeremias Gotthelf dépeint les soucis et problèmes qui étaient il y a deux siècles ceux des habitants du canton de Berne (1797–1854). L'un des sujets qu'il a traités était l'argent. A cette époque, son importance croissait sans cesse. La société était en pleine mutation. L'industrialisation avait commencé. Le salaire en nature faisait place au salaire en liquide. Nombre de paysans se procuraient un «Zustupf» (surplus) grâce au travail à domicile, ou un membre de la famille était employé à l'usine textile voisine. Et la grande majorité des paysans n'était pas habituée à se servir de l'argent.

«Tu vois, c'est une caisse où on peut mettre son argent quand on n'en a pas besoin, jusqu'à ce qu'on en ait besoin, et entretemps on te verse un petit intérêt, et ton argent est bien à l'abri, il ne lui arrive rien.»
Jeremias Gotthelf,
Ueli le valet de ferme

Ce qui amenait Uli der Knecht (Uli le valet), héros du roman éponyme de Gotthelf, aux réflexions suivantes concernant les soucis que cause l'argent et la difficulté de le conser­ver: «Je n'en ai pas besoin, et quand j'en ai, il ne fait pas long feu; j'ai du malheur avec l'argent; ou je le gaspille, ou je me fais avoir, ou on me le vole, et pour finir, si personne d'autre ne me le prenait, ce sont les souris qui me le mangeraient.» Quelques pages plus loin Gotthelf lui répond en évoquant la Caisse d'épargne. Un paysan dit à son apprenti: «Tu vois, c'est une caisse où on peut mettre son argent quand on n'en a pas besoin, jusqu'à ce qu'on en ait besoin, et entretemps on te verse un petit intérêt, et ton argent est bien à l'abri, il ne lui arrive rien.» Il se trouve que, deux cents ans plus tard, il n'en va plus tout à fait de même. Qu'est-ce qui a changé depuis? Remontons le temps jusqu'au monde de Jeremias Gotthelf.

Les premières banques

Il y a deux cents ans, les couches inférieures de la population étaient pour la plupart bien pauvres, même en Suisse. Jeremias Gott­helf et avant lui Johann Heinrich Pestalozzi ont fourni d'émouvantes descriptions de ces maux. Mais leur engagement a aussi éveillé les consciences et poussé à y remédier. L'instruction, l'institution d'écoles et de formations professionnelles, la création d'emplois, le combat en faveur de la démocratie et de l'égalité des droits furent l'un des aspects de cette lutte, l'autre étant le développement du sens de l'épargne pour se constituer un petit avoir et une réserve pour la vieillesse et les temps difficiles. Bien sûr il ne suffisait pas de conseiller à la population de mettre un peu d'argent de côté. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, la Confédération helvétique ne possédait pas une seule banque à même d'accepter de petits dépôts et de les investir en toute sécurité. Les petites gens désireuses d'épargner et en mesure de le faire en étaient réduites au bas de laine. Ceux qui avaient besoin d'argent étaient le plus souvent contraints de s'adresser au prêteur – à l'usurier – qui pratiquait des taux énormes.
Certes les banques existaient depuis le Moyen-Age. On connaît les Rothschild, les Fugger, les Médicis. Mais la clientèle de ces banquiers se composait surtout de princes et monarques, dont les Cours dispendieuses et les guerres exigeaient beaucoup d'argent. Ou alors leurs capitaux finançaient le commerce à longue distance avec les colonies. La Suisse comptait elle aussi quelques rares banques, essentiellement à Berne, Genève et Bâle. A Zurich, il n'y en avait qu'une: la banque Leu et Cie. Mais le principal souci de ces banques était de réinvestir à l'étranger les sommes considérables que les couches supérieures ou les instances dirigeantes tiraient du mercenariat. La ville de Berne par exemple se constitua un Trésor public si bien garni que les intérêts qu'il produisait couvraient 30% de ses dépenses. Et cela dura jusqu'à ce que Napoléon fasse main basse sur le Trésor. Mais jusque vers la fin du XVIIIe siècle, l'homme de la rue, lui, ne disposait d'aucune banque dans aucun des treize Etats de la Confédération.

«Ce qui n'est pas à la portée d'un seul individu peut être réalisé par un grand nombre de personnes.»
(Friedrich Wilhelm Raiffeisen)

La Caisse d'épargne de Berne

Et en 1787 nous y voici: un décret du Grand Conseil de la ville de Berne institue la première Caisse d'épargne pour domestiques, artisans et journaliers. L'«homme de la rue» devait bénéficier pour son argent d'un placement à intérêt sûr et se créer ainsi une petite réserve pour sa vieillesse et les mauvais jours. L'administration bernoise espérait également décharger ainsi les finances publiques d'une part de la protection sociale. Les administrateurs de la Caisse étaient des bénévoles, mus par le sens du service, non l'appât du gain. La sécurité l'emportait sur le rendement. Il était interdit de spéculer. Au début les guichets n'étaient ouverts que deux jours par an: à la Saint Jacques (25 juillet) et à la Chandeleur (2 février), date du changement d'emploi annuel. Ce fut un succès. Après les guerres napoléoniennes, on assista à une vague de nouvelles fondations.
En 1805, Zurich créa sa Caisse d'épargne. Plus tard elle prit la forme d'une mutuelle du nom de «Bank Sparhafen Zürich» (Banque zurichoise du Port de l'épargne); elle existe toujours. Dans nombre de communes suisses se créèrent des caisses d'épargne et de prêt. Certaines étaient gérées par la commune elle-même. Beaucoup étaient des entreprises privées de type mutualiste, orientées non vers le profit, mais vers l'intérêt général et administrées par des bénévoles. Celui qui se retrouvait en difficulté sans en être responsable pouvait trouver assistance auprès de ces caisses sans risquer de tomber aux mains d'un usurier. Dans le canton de Berne par exemple, il se créa 25 nouvelles caisses dans les années qui suivirent la période napoléonienne. L'année 1834 vit la fondation de la Berner Kantonalbank, banque d'Etat habilitée à émettre de la monnaie bernoise indexée sur l'or. Elle fut suivie en 1836 par la banque cantonale de Saint Gall, puis en 1837 par celle de Zurich. Dans le canton voisin d'Argovie il s'en créa davantage encore.
A l'origine de ces initiatives, on trouve en général des hommes entreprenants qui propagèrent cette nouvelle façon de gérer l'argent par le biais des sociétés de secours mutuel et de lecture. L'exemple suivant, pris dans le canton d'Argovie, illustre bien ceci:

Caisse pour les économies des habitants du canton d'Argovie – Action de Heinrich Zschokke

En 1812, à l'initiative de la Société savante d'Argovie, l'écrivain Heinrich Zschokke (1771–1848) exposa dans le Schweizerbote (Messager Suisse) le projet dans les termes suivants: «Nombre d'artisans, de domestiques, ou même de journaliers peuvent parfois avoir mis de côté quelques sous ou quelques francs dont ils aimeraient pouvoir disposer en cas de nécessité. Mais où les mettre en sécurité, voire en tirer intérêt? Personne n'est prêt à payer intérêt sur de si faibles sommes. Vous avez l'argent en poche; vous voyez ceci ou cela, vous aimeriez bien l'avoir; vous passez devant une auberge et la démangeaison de s'en servir vous prend. Bref, voilà l'argent parti, on ne sait ni pourquoi ni comment. Et lorsque viennent les mauvais jours où vous en auriez bien besoin, il n'y a plus rien à la maison. Economiser, c'est difficile!» (Schweizerbote du 7 mars 1812)
La société savante avait chargé Heinrich Zschokke et Daniel Dolder, directeur des Postes, de se renseigner sur l'organisation des institutions déjà existantes à Zurich et Bâle «surtout en ce qui concerne la gestion de la comptabilité interne de ces établissements». Ceci fait, des statuts furent établis et imprimés sur un prospectus. L'affaire fut rondement menée et le 1er mai 1812 vit l'ouverture de la «Caisse d'épargne rémunérée pour les habitants du canton d'Argovie». Les hommes les plus considérés se portèrent caution pour les premiers dépôts, rémunérés à 4%; Heinrich Zschokke fut un des premiers, pour un montant de 400 francs suisses. De plus, il ouvrit aussitôt un compte pour chacun de ses trois fils. D'autres l'imitèrent. Les dépôts provenaient «de personnes de toutes classes sociales, au profit de leurs enfants ou filleuls, pupilles et autres, mais les plus nombreux étaient des domestiques et artisans qui y déposaient les quelques sous qu'ils avaient économisés.» (Schweizerbote du 11 mars 1813.) Cette caisse existe encore sous le nom de Neue Aargauer Bank (Nouvelle banque argovienne) qui en hommage à Zschokke lui a érigé il y a quelques années une statue dans le hall de son siège principal, récemment réaménagé à Aarau.1
Quelques mots sur Zschokke: Ses innombrables romans, nouvelles et revues ont fait de lui l'un des auteurs les plus lus et les plus populaires en Suisse et Allemagne durant la première moitié du XIXe siècle. Il a été traduit en plusieurs langues. Représentant de l'esprit des Lumières, il a également contribué à répandre dans toute l'Europe celui de Johann Heinrich Pestalozzi. Il s'est activement engagé en faveur d'une société citoyenne et démocratique. Durant la République Helvétique, il a assumé d'importantes charges politiques. Il a fondé une école professionnelle pour filles de résidents pauvres (les «résidents» [Einsassen] sont des habitants du pays sans droits civils), des écoles de couture, des cours du dimanche pour artisans et apprentis, une société d'éducation et une école pour sourds-muets, ainsi que – comme il est dit plus haut - une Caisse d'épargne. Zschokke est un représentant d'une bourgeoisie consciente de ses responsabilités envers la communauté.2

Le démarrage

Dans tous les cantons l'on assista à la création de nombreuses caisses d'épargne et de prêt. Dans celui de Thurgovie, par exemple, on fonda la Sparkasse Frauenfeld (Caisse d'épargne de Frauenfeld) sous administration communale. Il arriva, surtout dans les débuts, que certaines ferment, parce qu'elles étaient mal conçues ou parfois mal administrées. Mais les pertes subies par les épargnants restèrent rares. Jamais non plus il ne se produisit d'effet domino, une banque en entraînant d'autres dans sa chute. La fermeture d'une caisse offrait une opportunité pour la fondation d'une nouvelle ou l'ouverture d'une filiale d'une banque déjà existante. Dans le canton de Berne, les «Raiffeisenkassen» [cf. plus bas] durent, pour diverses raisons fermer en 1893 et 1897 peu après leur ouverture, par exemple les Caisses d'épargne de Steckborn, Aadorf et Eschlikon dans le canton de Thurgovie.3
Au début les Caisses d'épargne et de prêt mutuelles ou communales se limitaient aux hypothèques foncières. Au fil du temps elles élargirent de plus en plus le champ de leurs activités et accordèrent aussi des crédits à des fins professionnelles. Leur domaine d'activité resta toutefois limité à leur région.

«On donne mon nom à ces associations mais je ne les ai pas inventées. La première a été un enfant de notre temps, né de la nécessité. Je n'en ai été que le parrain.»
Friedrich Wilhelm Raiffeisen

Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour voir apparaître les premières véritables banques commerciales, comme la Schweizerischer Kreditanstalt (Société suisse de crédit), qui a financé le réseau ferré, le tunnel du Saint-Gothard ainsi que des projets industriels et levait des fonds également sur le «marché des capitaux» et émettait des titres cotés en Bourse tels qu'actions et obligations.
Au XIXe siècle le système bancaire suisse se développa de façon très décentralisée, se caractérisant par le nombre de Caisses indépendantes à rayon d'action local ou régional, toujours existantes. Au fil du temps leurs activités se sont diversifiées. Chaque localité de quelque importance possédait sa Caisse d'épargne et de prêt. C'était la banque d'épargne, hypothécaire et commerciale du village. Au début du siècle, la Suisse comptait déjà 726 banques différentes et 842 agences pour une population de 2,5 millions d'habitants.

Les Caisses Raiffeisen suisses

Un siècle environ après la création des premières banques, on assista en Suisse à une deuxième vague de fondations. En 1899, le pasteur Traber fonda à Bichelsee la première Caisse Raiffeisen durable, d'après les principes et le modèle imaginés par Friedrich Wilhelm Raiffeisen (1818–1888). Celui-ci avait créé 50 ans auparavant dans le Westerwald (Allemagne) des coopératives inspirées de la doctrine sociale chrétienne. Son principe de base était «Seule la communauté fait la force» Dans le monde entier beaucoup suivirent son exemple.
En Suisse les Caisses Raiffeisen peinèrent à s'imposer. Dans le canton de Berne elles connurent deux échecs. Mais dans celui de Thurgovie le pasteur Traber réussit. D'autres suivirent. Les statuts de toutes les Caisses Raiffeisen étaient analogues et leurs administrateurs bénévoles. Les membres se portaient tous personnellement caution solidaire et, au début, illimitée. Les caisses ne tardèrent pas à former un réseau et une organisation qui a aujourd'hui son siège à Saint-Gall. On trouve les Caisses Raiffeisen surtout en milieu rural. Mais depuis peu les choses changent. En 2002 fut fondée la Raiffeisenbank Zürich qui possède aujourd'hui trois agences dans la métropole économique suisse.
La Suisse compte actuellement 367 Caisses Raiffeisen indépendantes et environ 1200  agences, ce qui constitue le réseau bancaire le plus dense de Suisse. Elles gèrent les dépôts d'environ 3 millions de clients s'élevant au total à plus de 105 milliards de francs suisses – la plupart sont des hypo­thèques. Depuis quelques années elles travaillent en étroite collaboration avec la banque privée Vontobel – une nouveauté qui ne fait pas l'unanimité. Celle-ci s'occupe des affaires boursières et des placements des clients. La valeur des titres déposés dans les banques Raiffeisen atteint aujourd'hui 35 milliards de francs suisses.

Pourquoi les banques Raiffeisen sont-elles si sûres?

Ces banques jouissent d'un ancrage local et régional et elles connaissent personnellement leurs clients. La solidarité entre caisses joue à plein. Une banque Raiffeisen isolée ne peut faire faillite, parce que toutes les autres sont derrière elle. Et les mutualistes constituent une caution supplémentaire, qui de nos jours est limitée. Ils sont 1,5 millions engagés à verser chacun 8000 francs suisses en cas de nécessité. Cette garantie serait aujourd'hui superflue, comme l'a déclaré Pierin Vincenz, PDG de Raiffeisen Suisse, dans plusieurs interviews. Mais elle ne sera pas pour autant supprimée. Expression de la solidarité, elle est partie intégrante de l'esprit de la coopérative.
Le modèle des Raiffeisen inspire une grande confiance. Cent mille nouveaux clients l'ont rejointe depuis le début de l'année, dont 75 000 mutualistes. Chaque mois a vu affluer dans les caisses un nouveau milliard de francs suisses. La Caisse n'a jamais eu recours au soutien de l'Etat et du reste personne n'y songe.

Les Raiffeisen dans le monde

On trouve des banques Raiffeisen dans toute l'Europe: Allemagne, Autriche, Italie, France, Pays-Bas, Finlande, Pologne et Chypre, et 700 000 collaborateurs gèrent environ 130 millions de clients. Elles sont ainsi devenues un acteur important du système économique et financier européen.
Mais dans le monde entier la cote du système Raiffeisen grimpe. Dans une centaine de pays au total, 900 000 coopératives regroupant plus de 500 millions de membres travaillent selon les principes de Friedrich Wilhelm Raiffeisen. Ses idées ont du succès sur tous les continents car elles peuvent s'adapter à toutes les structures économiques et sociales. (Horizons et débats consacrera plusieurs articles à cet aspect).
Revenons en Suisse. D'autres banques ont écrit l'histoire du système bancaire mutualiste, par exemple la Schweizerische Volksbank, la Banque Migros (élément de la Fédération des coopératives Migros), la Genossenschaftliche Zentralbank (aujourd'hui Banque Coop) et la Banque WIR, à laquelle Horizons et débats a déjà consacré un article dans son no 37 du 15 septembre.

La Banque populaire suisse

La Volksbank in Bern (Banque populaire de Berne, plus tard Banque populaire suisse) a été fondée en 1869 sous forme de coopérative par des représentants du monde ouvrier, des employés et de l'artisanat. A l'origine elle se contentait, comme les Caisses Raiffeisen, d'accorder des prêts à ses membres. Avec ses nombreuses filiales, elle connut une extension fulgurante dans toute la Suisse. En 1930, elle était devenue la deuxième banque suisse. Dans les années 30, elle dut demander à l'Etat une aide de 100 millions de francs, toutes ses affaires avec l'étranger (en particulier l'Allemagne) ayant dû être liquidées. Après la guerre la banque connut une forte croissance et ouvrit beaucoup de nouvelles filiales. Mais des spéculations sur l'argent-métal et l'immobilier ainsi que de nouveaux déboires à l'étranger entraînèrent dans les années 80 le déclin de la quatrième banque suisse, qui fut rachetée en 1990 par la Schweizerische Kreditanstalt (aujourd'hui CS Group). L'exemple de la Banque populaire suisse prouve que le statut juridique de coopérative n'offre pas de protection contre des affaires hasardeuses.

La Banque centrale coopérative

La Banque centrale coopérative a été fondée en 1927, en commun par l'Union suisse des Coopératives de consommation et par l'Union syndicale suisse. Son principe était «qu'une banque d'ouvriers ne se distingue pas des banques privées par la conduite de ses affaires, mais seulement par ses buts, c'est à dire qu'elle utilise dépôts et excédents au profit des mouvements ouvriers et mutualistes.» La Genossenschaftliche Zentralbank acquit une dimension respectable. En 1970 elle prit la forme d'une société par actions. Elle s'appelle aujourd'hui Banque Coop, et la banque cantonale de Berne en est l'actionnaire majoritaire.4

La Banque Migros

La Banque Migros constitue jusqu'ici une «success story». Gottlieb Duttweiler eut l'idée de créer une Banque Migros il y a cinquante ans, au cours d'un souper avec son administrateur financier au restaurant Widder, à Zurich. La banque est une société par actions détenues à 100% par la Fédération des coopératives Migros.
La banque a démarré avec trois employés. Son guichet se trouvait au troisième étage de la maison Migros de Zurich, au Limmatplatz. Jusqu'ici son fonctionnement n'a donné lieu à aucun «scandale». Elle fait des affaires avec la région où elle se trouve et avec toute la Suisse. Elle finance ces hypothèques avec les dépôts des épargnants. Elle ne travaille pas avec l'étranger. Ses 74 agences, ses 29 milliards de francs d'avoirs et ses 750 000 clients font d'elle l'une des «grandes banques». La crise financière ne l'a absolument pas touchée. Cette année elle a ouvert 46 000 nouveaux comptes et 18 nouvelles filiales (ou elle va les créer l'an prochain).

Que nous apprend l'histoire?

De toute évidence les banques à rayon d'action régional ou national résistent mieux à la crise financière actuelle que les banques mondialisées. C'est encore plus vrai pour les banques coopératives ou administrées par les communes ou cantons. Elles échappent à la pression des investisseurs qui exige une rentabilité maximale. Ces banques ont un fort ancrage régional et connaissent bien leurs clients.
Mais la forme juridique de la coopérative n'est pas à elle seule une protection contre une mauvaise politique financière, comme le montre l'exemple de la Banque populaire suisse (et plusieurs autres en Allemagne et en Autriche). On peut en dire autant des banques communales et cantonales. La faillite de la Spar- und Leihkasse Thun et la crise que traverse la Banque cantonale bernoise en sont un exemple.
Les Raiffeisen offrent des avantages évidents, parce qu'elles constituent un réseau de nombreuses coopératives indépendantes à l'intérieur d'un même pays. Leur politique financière est coordonnée et s'exerce dans un cadre commun comportant un contrôle des risques. Ce qui rend presque impossibles les «dérapages» isolés.5    •
(Traduit par Michèle Mialane et révisé par Fausto Giudice, www.tlaxcala.es)

1     Cf. Werner Ort, Der modernen Schweiz entgegen. Heinrich Zschokke prägt den Aargau, Baden 2003, p. 126s.
2     Cf. Das Goldmacherdorf – Ein historisches Lesebuch von Heinrich Zschokke, aux Editions H. Böning und W. Ort, Brême 2007, p. 247ss.
3     C. Bucher, Der Zusammenbruch der Leih- und Sparkassen Aadorf und Eschlikon, Zurich 1918
4     Genossenschaftswesen in der Schweiz; Editions Ernst-Bernd Blümle, Francfort sur le Main 1969

Renaissance de l'idée de coopérative

«Je me souviens encore très bien d'un séminaire à Salzbourg avec les managers d'une coopérative. On voulait devenir à tout prix une banque «normale». On avait tendance à refouler l'idée de coopérative (de crédit mutuel). Et il en alla longtemps de même en Suisse. Mais tout récemment on assiste à une renaissance de cette idée. Les grosses coopératives de consommation ne parlent plus de se transformer en SA. La Schweizer Mobiliarversicherung remet de plus en plus en avant l'idée de coopérative. En ce moment nous assistons à un retour en force des structures sociales et des modes de pensée éprouvés. Beaucoup se plaignent de la montée de l'anonymat et de la perte du lien social. La taille relativement modeste, la bonne connaissance des réalités locales, le «visage humain» des Caisses Raiffeisen vont sous plusieurs aspects à l'encontre de cette évolution. L'impressionnante augmentation du nombre de leurs membres permet de conclure que les valeurs coopératives répondent sans aucun doute aux besoins d'un grand nombre de gens.»

Robert Purtschert, professeur à l'Université de Fribourg, dans: Panorama Raiffeisen 2/2005.


Wörgl ou l'« argent fondant »
Une nouvelle Mecque économique
Par Claude Bourdet, L'Illustration[1]

Dans la vallée de l'Inn, en Autriche, sur la ligne d'Innsbruck à Kufstein, se trouve une petite ville (plutôt un gros village) hier connue seulement de quelques touristes et qui, aujourd'hui, est en train de devenir célèbre dans les deux hémisphères. Je ne prétends pas que ce nom de Wörgl, évoqué dans un salon de Londres, de Berlin ou de New York ou même devant le « zinc » d'un bistrot d'une de ces villes, attire la moindre attention de l'auditoire. Mais si, quelque part en Europe ou en Amérique, vous rencontrez un de ces personnages dignes que la rumeur publique désigne sous le nom d'« économiste distingué » et si le hasard veut que ce soit précisément un partisan de l'« économie naturelle », ne mentionnez pas devant lui l'étalon-or – il vous déchirerait vivant – mais jetez ce simple mot : « Wörgl ». Alors, vous verrez ce visage, sûrement grave et peut-être sévère, s'ouvrir, les lèvres trembler, l'œil s'allumer d'un éclat fanatique : l'œil du musulman auquel on parle de La Mecque. Que dis-je ! peut-être même – horresco referens – se jettera-t-il dans vos bras, croyant avoir trouvé en vous un apôtre, un frère, un disciple fervent de Silvio Gesell.

– Mais, dira le lecteur, qui est Silvio Gesell et que vient-il faire à Wörgl ?

Silvio Gesell, nom que porte fièrement une « rue » de Wörgl sur une plaque fixée à la tige d'un lampadaire ultra-moderne, Silvio Gesell naquit en 1862 près d'Aix-la-Chapelle. Il se fixa, à l'âge de vingt-quatre ans, en Argentine, où il fit rapidement fortune comme fabricant d'instruments dentaires. Jusqu'ici, rien que de très banal. Mais, en 1900, Gesell, en pleine force de l'âge, se retira brusquement des affaires, quitta la vie active et se fixa en Suisse. Là-bas, il se mit à développer les théories qu'il a résumées dans son livre l'Ordre économique naturel. Il mourut en 1930. Ses théories furent la doctrine fondamentale sur laquelle a pris appui l'école dite de l'« économie libre » (Freiwirtschaft). À peu près inconnue en France, l'économie libre groupe en Suisse et dans les pays de l'Europe centrale de nombreux adhérents. En Amérique, elle prend chaque jour une extension plus grande. Le professeur Irving Fischer est là-bas son représentant le plus connu. Il semble que la nouvelle politique économique du président Roosevelt s'inspire beaucoup des principes de l'« économie libre ». Le premier de ces principes se résume en effet de la façon suivante : la quantité de monnaie gagée par l'or ne suit pas le rythme de l'accroissement de la production et de la richesse, et cette disproportion est la cause principale des désastres économiques dits « crises de déflation ».

Un second principe a trait à la circulation de la monnaie : « La monnaie, instrument d'échange, est détournée actuellement de son véritable emploi pour servir à la thésaurisation, ce qui provoque un ralentissement des échanges, une diminution de la quantité du numéraire circulant, la quantité des denrées restant la même, et par conséquent la chute des prix : de nouveau, crise de déflation. » Nous voici loin de Wörgl, pense le lecteur. Pas si loin.

En décembre 1931, un ancien employé de chemin de fer, Michael Unterguggenberger, était élu bourgmestre de Wörgl. Les finances de la cité étaient déplorables. Les impôts ne rentraient pas, il y avait même de lourds arriérés. Le nom des sans-travail augmentait de jour en jour, la commune ne pouvait même plus subvenir aux impôts fédéraux. L'état des rues était la fable des environs – sur une maison de Wörgl, on peut encore voir l'inscription : « De tous les maux, le plus cruel, Wörgl, c'est l'état de tes ruelles » (traduction libre). Or, Michael Unterguggenberger, ce petit paysan sec et râblé, avait été élu comme social-démocrate. Sa première idée ne fut pourtant pas de transformer Wörgl en succursale de Vienne et de créer du travail et de l'argent en pressurant une population déjà accablée. Michael Unterguggenberger se proclame social-démocrate, mais non marxiste. À ceux que cela étonnerait, je refais la réponse qu'il me fit lui-même : « Je trouve que ces messieurs marxistes ont un sacré culot de s'intituler social-démocrates. Et comment peut-on arrêter le socialisme à une forme particulière de l'esprit juif, tel qu'il fut présenté par Marx, Lassalle et Engels ? » Michael Unterguggenberger est démocrate, il est adversaire de la lutte des classes, mais il est aussi l'adversaire de notre système monétaire – en un mot, c'est un disciple ardent de Silvio Gesell.

Le 5 juillet 1932, devant la faillite menaçante, le bourgmestre se décide à essayer un remède « de cheval ». Il s'agit tout bonnement de transformer la monnaie régulière autrichienne circulant à Wörgl en une monnaie accélérée du type gesellien. Pour cela, on va émettre des bons de 1, 5 et 10 schillings, que l'on dénommera « bons-travail » pour « passer sous le nez » du privilège d'émission de la Banque nationale. Ces bons auront la particularité... désagréable pour l'usager de diminuer de 1 % de leur valeur par mois. 10 francs, à ce régime, perdraient en un an 1,20 franc. Pour conserver des billets de valeur fixe, on pourra, à la fin de chaque mois, moyennant la perception de la « chute » de 1 %, faire donner à la mairie un coup de tampon sur le billet, lui rendant sa pleine valeur. Le bourgmestre escompte que, l'usager voulant perdre le moins possible sur ses banknotes, la nouvelle monnaie sera prise d'un délire circulatoire hautement bénéfique au commerce et à l'industrie de la commune. Ce diable d'homme réussit non seulement à attirer à son projet révolutionnaire les plus importants commerçants de l'endroit, mais encore à constituer un comité, composé du curé, du commandant des Heimwehren, et de lui-même – en somme, une véritable « union nationale ». Ce comité surveillera l'application du procédé. Les premiers bons-travail furent émis en août, pour une somme totale de 32 000 schillings. La commune avait réuni ses dernières ressources pour garantir cette nouvelle monnaie avec une couverture de 100 % en argent autrichien régulier déposé à la caisse d'épargne locale.

Le premier emploi des bons fut l'organisation d'un plan de travaux publics. On paya le salaire des ouvriers et on régla les fournitures faites à la ville uniquement en bons-travail. C'est ainsi qu'ils furent introduits dans la circulation. On s'aperçut que la monnaie nouvelle remplissait parfaitement son office, car sa rapidité de circulation permit d'effectuer en trois mois 100 000 schillings de paiements avec une quantité de bons se montant en tout à 12 000 schillings. Je suis arrivé à Wörgl en août 1933. Il y avait donc exactement un an que l'expérience avait été commencée. On doit reconnaître, sans parti pris, que l'effet tient du miracle. Les rues si tristement réputées ressemblent maintenant à des autostrades. La mairie, gaie, pimpante, refaite à neuf, a l'air d'un chalet-boîte à musique où l'on aurait mis des géraniums. Un nouveau pont en ciment armé porte orgueilleusement l'inscription : « Construit en 1933 avec de l'argent libre. » Partout, on voit des lampadaires globuleux analogues à ceux de la « rue » Silvio-Gesell. Le petit saint du village lui-même a bénéficié des attentions d'un maire socialiste : on lui a fait une niche à la Le Corbusier. Les travailleurs que l'on rencontre sur de nombreux chantiers sont tous des partisans fanatiques de l'« argent fondant ». Je suis allé dans les magasins : on accepte partout la « monnaie de secours » au même titre que la monnaie officielle. Les prix n'ont jamais monté.

J'ai rendu visite au fameux bourgmestre. Il me reçut dans une pièce claire, devant un bureau tout neuf en chêne poli. Il eut au début la méfiance originelle du paysan tyrolien devant l'« étranger », mais cela disparut rapidement. Je lui apportais d'ailleurs une édition spéciale d'un journal de Vienne parlant de l'« exemple de Wörgl » et réclament l'introduction de « monnaie de secours » à Vienne. La première page était un dithyrambe à la gloire du « courageux bourgmestre de Wörgl ».

– Qu'est-ce que c'est que tout ce charabia ? dit à peu près Michael Unterguggenberger, mi-fâché, mi-flatté. Ah ! ces journalistes !

Je me fis tout petit et tâchai de détourner de la catégorie l'opprobre qui lui était value par un seul... mais il est certain que ce genre de publicité ne sert qu'à alarmer davantage la Banque nationale, soucieuse de sauvegarder son privilège d'émission. Car l'épidémie s'étend. Déjà plusieurs communes voisines parlent de Schwundgeld (argent fondant) – c'est le nom habituel de la nouvelle monnaie. L'une d'elles, Kirchbichl, a déjà émis de bons-travail et admet la circulation des bons de Wörgl. Le curé de la paroisse de Westendorf fait un discours enflammé dans lequel il parle de la « force économique miraculeuse » de l'argent libre et de la « petit étincelle partie du Tyrol qui allumera l'incendie dans lequel sera réduite à merci la finance internationale »... À Innsbruck, on parle aussi de « monnaie de secours ». Plus loin, en Haute et Basse-Autriche, en Styrie, plusieurs communes se préparent à introduire l'« argent fondant ».

Quel est donc le phénomène qui rend cette monnaie si désirable et qui permet, en effet, de sauver une commune de la faillite, puis, en pleine crise, de l'amener en moins d'un an à une prospérité relative ?

Il y a d'abord quelques explications... assez banales : le prélèvement de 1 % par mois est une sorte d'impôt sur la monnaie de 12 % par an – chose abhorrée par les économistes classiques. Le bourgmestre répond que cette nouvelle taxation est rendue aisée à supporter par tous les avantages que les usagers eux-mêmes trouvent dans l'introduction de la nouvelle monnaie.

Ensuite, la couverture de l'émission, c'est-à-dire les schillings autrichiens réguliers avec lesquels la commune aurait dû normalement faire face à ses besoins, reste à la caisse d'épargne et rapporte à la commune un certain revenu chaque année.

Enfin, chaque fois qu'un habitant de Wörgl, pour faire place à des engagements extérieurs, désire changer de l'« argent fondant » contre des schillings officiels, il peut le faire à la caisse d'épargne, mais doit acquitter une taxe de change de 2 % – autre source de revenus pour la commune.

D'autre part, quand un habitant de Wörgl, vers la fin du mois, ne sait que faire d'une monnaie qui va subitement perdre 1 % de sa valeur... il lui reste toujours la possibilité de payer ses impôts. Cette dernière particularité a valu à la commune non seulement le paiement intégral de tous les arriérés de contributions qui traînaient depuis plusieurs années, mais encore, chose inouïe, le paiement d'impôts en avance !

On a donc voulu dénier l'expérience de Wörgl toute création de richesse, on a voulu seulement y voir une entreprise déguisée d'exploitation du contribuable. Il semble qu'il y ait là une petite erreur. On n'a jamais vu, de mémoire d'homme, le « cochon de payant » ne pas protester avec la dernière énergie quand on lui soutire ses écus. Or, ici, le contribuable ne proteste nullement. Bien mieux, il est enthousiasmé par l'expérience et se plaint amèrement que la Banque nationale cherche à empêcher de nouvelles émissions. C'est qu'il y a à Wörgl une amélioration de l'état général que l'on ne peut attribuer à une nouvelle forme d'impôts. Il semble qu'il faille reconnaître, avec le bourgmestre, que la nouvelle monnaie remplit mieux son rôle que l'ancienne.

Je laisse aux économistes le soin de décider s'il y a là, malgré la couverture de 100 %, une sorte d'inflation. En tout cas, la hausse des prix, première conséquence d'une politique inflationniste, ne s'est nullement fait sentir. Peut-être en serait-il autrement si le procédé était appliqué à tout un pays.

Quant à l'influence sur l'épargne, on peut dire que la nouvelle monnaie favorise l'épargne proprement dite aux dépens de la thésaurisation. Il devient extrêmement désavantageux de conserver de l'argent chez soi, mais on peut éviter toute fonte de la monnaie en la portant à la caisse d'épargne. Aussi le résultat n'a pas tardé à se faire sentir : en juillet 1932, l'excédent des retraits sur les dépôts à la caisse d'épargne de Wörgl était de 10 000 schillings. En août, après l'introduction des bons-travail, il tombait à 5 000 schillings. Aujourd'hui, les dépôts et les retraits s'équilibrent, ce que l'on n'avait pas vu depuis le début de la crise économique. Wörgl est devenu aujourd'hui une sorte de lieu de pèlerinage pour tous les « économistes libres » du monde entier... On voit souvent de ces pèlerins à l'allure universitaire déambuler dans les rues bien refaites... ou s'attarder à la terrasse de quelque Gasthaus pour discuter d'un problème monétaire. La population de Wörgl, fière de sa nouvelle gloire, les accueille avec bienveillance. Aux États-Unis, vingt-deux villes ont introduit de l'« argent fondant » sous un modèle plus ou moins proche de celui de Wörgl. Le 17 février dernier, dans une conférence radiodiffusée par plusieurs postes américains, le professeur Fischer recommandait Wörgl comme le « meilleur exemple de cette monnaie datée qu'il souhaitait voir introduire partout ».

J'ai pensé qu'il était intéressant de faire connaître ici cette curieuse expérience[2].

[modifier] Notes et références

  1. Article publié en 1933 dans l'Illustration n° 4723, pages 56 et 57.
  2. Les lecteurs familiers avec la langue allemande pourront trouver un document extrêmement exact sur Wörgl dans la revue Ständestaat de juillet, sous la signature de l'écrivain suisse Alexandre de Muralt.
Krach, les solutions existent. Le crédit social.

Mitterand a été chargé de les rendre impossibles, par exemple à Lignières-en-Berry en France.

Deux expériences de monnaie fondante ont été tentées en 1956 à Lignières-en-Berry (Cher), citée par le Science et Vie de mai 1958 et en 1957 à Marens (Charente-Maritime). Le but était en fait d'échapper au paiement des « taxes locales », remplacées en 1967 par la TVA. Elles prirent fin en décembre 1958, suite à une ordonnance préparée par F. Mitterand interdisant « l'émission ou la mise en circulation de moyen de paiement ayant pour objet de suppléer ou de remplacer les signes monétaires ayant cours légal ».

Toutes les expériences faites ont été des succès ( Schwanenkirchen en 1930, Wörgl en 1932, NORDERNEY avec les OLD GERMANY EMERGENCY PAPER MONEY  (HANNOVER / NIEDERSACHSEN) du 14.5.1920...

Wikipedia cite les expériences réussies d'argent libre qui ont eu lieu à Schwanenkirchen dans la forêt bavaroise et Wörgl au Tyrol. L'expérience d'argent libre (Wara-Freigeldexperiment) mise en œuvre par le Dr. Nordwall sur l'île de Norderney, appartient également à cette série d'études pratiques d'économie libre.

Citons aussi Porto-Alegre en 1958.

Ces projets pouvaient faire front aux mauvaises conséquences de la crise de l'économie mondiale dans les années 1930. Les idées de Gesell fonctionnèrent très bien. Toutefois, les responsables ont fait l'erreur d'imprimer de « véritables billets » faisant ainsi concurrence aux banques nationales. Ainsi, les projets purent être interdits.

Selon des critiques, les banques ont fait cela dans leur propre intérêt, et non pas dans l'intérêt de la population (sic) qui s'appauvrit immédiatement à nouveau. Partout dans le monde on entendra parler de ces projets. Particulièrement en France et aux USA on désira les imiter, pour contrôler les crises intérieures.


Il faut réagir et exiger des gouvernements de changer le système monétaire actuel qui ne bénéficie qu'aux actionnaires des grandes banques privées que sont la BCE et la FED (qui sont d'ailleurs les actionnaires du FED, qui est une SA privée ??)

L'argent ne doit plus être une marchandise dont nos politiques ont laissé la création au seul monopole de ces banques. Elles créent de l'argent ex-nihilo (c'est à dire qu'elles ne le possèdent pas) sans fournir aucun effort et nous travaillons pour les rembourser.

Pour le prix Nobel Maurice Allais ( voir le Monde du 25.10.1988), les banques sont quasi comparables à de faux monnayeurs dont nous blanchissons l'argent par notre travail à chaque remboursement de nos prêts… et en plus nous payons un taux d'intérêt...sur notre propre argent...

Ils ont abusé du système et prouvé que la monnaie peut être créée par l'État sans taux d'intérêt à leur verser.

Le système monétaire international n'est pas durable : 97% de l'argent correspond à de l'argent spéculatif et seulement 3% correspond à de l'économie réelle avec une monnaie devenue la marchandise la plus rentable du système. A partir de l'exemple de la nature, dans laquelle toute chose s'arrête de croître tôt ou tard, notre système économique actuel à un cancer ; la logique actuelle du système qui exige une productivité et une rentabilité allant toujours crescendo, devrait aboutir à terme à la destruction de notre civilisation, comme le prolifération anarchique des cellules cancéreuses conduit à la mort de l'organisme. Il est urgent de mettre en place d'autres systèmes monétaires qui pourront prendre le relais en cas d'effondrement du système monétaire principal. 
 
Le niveau idéal est le niveau régional, en commençant par le local. Le national est trop grand et sous le contrôle des meurtriers...

De façon générale, Helmut Creutz et M. Kennedy nous démontraient, chiffres et tableaux à l'appui, que plus de 40% des coûts proviennent des intérêts qui rentrent dans le prix des produits que nous achetons :
-   à chaque niveau, les entreprises répercutent le prix de l'intérêt sur leur clients immédiats.
-  80% de la population paie plus qu'elle ne reçoit
-  10% reçoivent beaucoup plus qu'ils ne pourraient jamais dépenser même en ayant plusieurs vies.

  De plus, Helmut Creutz avait calculé que, du fait de l'ajout du coût de
l'intérêt dans chaque étape et à chaque cycle de la production des
biens, ceux-ci nous coûtent à tous le double et que tous ceux qui
travaillent consacrent trois heures par jour en plus pour en payer les
conséquences.
Et voilà que, nos logements sont 77 % plus petits ...que ceux que nous
pourrions avoir sans les sangsues subtiles du système à intérêt qui s'ajoute à chaque cycle et valeur ajoutée.

La nouvelle situation de 2008 monte ces coûts encore plus hauts, à environ 85 % de sur coût pour les logements...



 IL FAUT CHANGER LA MONNAIE DE SINGE ACTUELLE ET LA LIBÉRER.

Les physiocrates notamment, sans oublier les économistes Fisher, Quesnay, Proudhon, Douglas, Duboin qui démontrent que l'argent ne doit pas être créé par les banques, mais par un institut étatique en faveur des citoyens. C'est un bien commun, c'est le sang de la société...

Bill Gates :  "the world need banking, but no bankers"...


Richard Branson se lance dans le credit en P2P : le "banking entre ...
Blog d'AdmiNet (Communiqués de presse) - France
Le "social credit" se répand aux US, et atteint des chiffres significatifs. Javelin Strategy and Research (une société d'études) prévoit ainsi que le ...

«Economie de marché sans capitalisme»

Une nouvelle appréciation de la théorie de l'Ordre économique naturel du point de vue de l'éthique économique

par Hermann Kendel, Berlin

Après avoir fait l'objet de vives discussions à son époque, la théorie de l'Ordre économique naturel élaborée par Silvio Gesell (1862-1930) est passée à l'arrière-plan des débats économiques et politico-philosophiques dès le début des années trente, alors que précisément cette théorie aurait ouvert à l'individu des perspectives procurant plus de liberté et de justice dans la vie sociale. Par sa thèse présentée à l'Université de St-Gall, qui fait l'objet du présent article, Roland Wirth  *, né en 1974, relance la discussion théorique sur les idées de Silvio Gesell.

L'ouvrage comporte cinq parties. Dans la première, la société libérale des citoyens est présentée comme la référence qui s'impose. L'auteur estime que les réformes de Silvio Gesell,  fondées sur l'ordre économique naturel, favoriseraient beaucoup l'évolution vers une société libérale des citoyens. Dans cette perspective, l'effondrement du communisme ne permettrait pas de considérer automatiquement l'économie capitaliste comme supérieure. Il conviendrait, au contraire, de remettre sans cesse la question sur le tapis.

En système capitaliste, la propension à acquérir un patrimoine financier pour vieillir sans soucis en vivant des intérêts prévaut. A cet égard, le système socialiste serait aussi capitaliste. Toutefois, ce n'est pas l'individu, mais l'Etat qui gère alors le bénéfice généré par les intérêts.

Dans une société civile organisée d'après l'ordre économique naturel, l'abondance des marchandises donnerait à l'individu davantage de latitude pour mener sa vie à son gré, chacun devant consacrer moins de temps au travail que dans le système actuel. L'économie ne déterminerait pas la vie sociale, mais la servirait.

La remise en question de la croissance économique

Dans la deuxième partie du livre, la critique à laquelle l'économie naturelle soumet le système d'intérêts capitaliste est expliquée en détail. Tandis que les théories économiques néoclassique, keynésienne et même socialiste font l'éloge de la croissance économique sans jamais mettre celle-ci en question, voire en l'exigeant, l'ordre économique naturel moderne s'interroge à propos du sens de la croissance et attire l'attention sur les risques écologiques qui en résultent.

Alors que les grands patrimoines financiers s'accroissent de manière continuelle et exponentielle en économie capitaliste, les dettes y augmentent dans les mêmes proportions. Il incombe à la population laborieuse de générer les intérêts et les intérêts cumulés. Cette création a lieu directement lors des achats –  Creutz, représentant moderne de la théorie de l'économie naturelle, estime que 40% des prix des biens de consommation, pour le moins, consistent aujourd'hui en intérêts cachés – et sous forme d'impôts. Même l'Etat et les communes doivent assurer le service de la dette en payant continuellement des intérêts et des intérêts cumulés. Ce développement exponentiel nécessite une croissance de l'économie et aboutit constamment à de nouvelles crises.

L'auteur décrit en détail cette propension à la crise et les diverses tentatives de la modérer. Ce faisant, il mentionne d'autres conséquences du système des intérêts cumulés, notamment la crise permanente du Tiers-Monde et la catastrophe écologique.

L'argent – une marchandise finalement comme les autres

Réponse à la critique du système économique en vigueur formulée dans la deuxième partie du livre, la  troisième est consacrée à la réforme monétaire. Cette réforme distingue la théorie économique naturelle de toutes les autres réformes sociales et la rend unique en son genre. Si elle continue à utiliser l'argent comme moyen d'échange, la valeur de celui-ci n'augmentera plus automatiquement, par le biais des taux d'intérêt, aux dépens de la population laborieuse.

Aucune expropriation n'est nécessaire. Comme tout autre bien, la monnaie, frappée d'une taxe de liquidité, perdra très légèrement de sa valeur au fil du temps. En effet, des biens tels que les tomates se gâtent, les maisons et les rues doivent être entretenues régulièrement. Ainsi, la monnaie cesserait d'être une marchandise particulière, qui s'accroît automatiquement lorsqu'on la garde. Elle deviendrait alors un moyen d'échange analogue à tous les autres biens. La taxe de liquidité alimenterait les caisses des communes et de l'Etat, déchargeant le citoyen d'impôts démesurés. Cette mesure rendrait la circulation monétaire sûre et constante, et le niveau des prix stable durant de longues périodes.

L'auteur estime relativement faible le nombre de personnes désavantagées par ce système; il ne s'agirait que des rares bénéficiaires nets du système des taux d'intérêt. En revanche, la population laborieuse serait rémunérée en fonction de son travail complet; elle pourrait alors acheter des marchandises à des prix dont les intérêts seraient déduits et ne devrait plus payer, sous forme d'impôts, les intérêts dus par l'Etat. Tels seraient les bénéficiaires.

Réforme monétaire tout à fait réalisable

Comme ce sont les hommes – et non pas Dieu – qui déterminent les propriétés de la monnaie (l'auteur parle d'un type d'ordre social), une telle réforme monétaire serait tout à fait réalisable, surtout si la plupart des gens pouvaient ainsi faciliter leur vie personnelle aussi bien que leur vie en communauté.

Le patrimoine excessivement accru de certains s'ajusterait alors graduellement au niveau standard. De plus, la probabilité d'oppression, de guerre, d'inflation, de chômage et d'autres crises dues à la vie des hommes en communauté diminuerait.

L'auteur se penche ensuite sur les aspects techniques de la réforme monétaire. Il considère comme solubles, par exemple, les problèmes que suscitera l'imposition pratique de la taxe de liquidité, en ce qui concerne les espèces notamment. La tâche de fixer le montant de la masse monétaire incomberait toujours à l'institut d'émission. Il serait possible de conserver le nouvel argent sans perte de valeur en acquérant des biens réels, tels que des actions, des objets d'art, du vin et d'autres produits, et en déposant en banque son argent excédentaire. La fixation de la taxe à un niveau tel que le produit du patrimoine bancaire fluctue aux environs de zéro maintiendrait constante la valeur de la monnaie conservée pour une consommation ultérieure (p. 82). L'auteur estime que le nouveau système permettrait des investissements efficaces.

Elimination des revenus de capitaux en friche

Comme indiqué, les effets prévisibles de la réforme monétaire seraient l'élimination graduelle des revenus de capitaux en friche. La croissance de la production économique se chiffrerait graduellement à zéro (de même que toute autre croissance dans la nature: les hommes, les animaux, les plantes augmentent à un rythme limité, la croissance exponentielle étant limitée à certaines maladies mortelles, tel le cancer,  H. K.). La croissance zéro faciliterait le retour de la nature à l'équilibre écologique et la qualité de la vie progresserait de nouveau généralement.

Ce progrès vraisemblable de la vie en commun des hommes semble presque utopique. Pourtant, l'auteur donne des exemples historiques qui traduisent la réalité de cette utopie. La monnaie de blé égyptienne que  Lietaer a étudiée récemment en détail a conduit à un apogée culturel dans l'architecture surtout, mais aussi à l'aisance générale. Contrairement aux hypothèses antérieures, les maçons des pyramides étaient non pas des esclaves, mais des spécialistes royalement rémunérés.

La monnaie de blé a été découverte sous la forme de quittances données sur des débris d'argile, datées et se rapportant à des aliments et à du vin. On a prouvé que leur fonction comme monnaie locale générale avait duré 2000 ans. Ces quittances pouvaient être acquises par la livraison de quantités déterminées de céréales et de vin dans un entrepôt de l'Etat. Elles permettaient d'acheter à tout moment des marchandises de l'entrepôt. En raison des frais de stockage, la valeur des créances a diminué au fil du temps. Dans ce cas également, il s'agissait de monnaie dont la valeur se réduisait parallèlement à celle de la marchandise.

Exemple: les bractéates médiévales

Les bractéates du haut Moyen Age (900–1300 après Jésus-Christ) sont connues depuis longtemps. Outre la monnaie de métal précieux, destinée au commerce de longue distance, diverses monnaies locales avaient cours dans de nombreuses régions d'Europe, telle l'Allemagne, mais aussi l'Angleterre, la France, le Danemark, la Bohême, la Pologne et la Hongrie. Les bractéates étaient frappées d'un seul côté d'une mince feuille d'argent et déclarées de temps à autre sans valeur par les autorités. On pouvait alors échanger quatre pièces antérieures, maintenant sans valeur, contre trois pièces qui venaient d'être frappées. Le souverain pouvait ainsi faire l'économie d'une ferme onéreuse. Pour éviter la mise hors cours, toute personne qui avait acquis des bractéates se hâtait de les dépenser, ce qui a maintenu la demande intérieure à un niveau constamment élevé, comme en Egypte antérieurement. Une offre constamment élevée en a résulté. Il ne servait alors à rien d'accumuler de l'argent. Là aussi, ceux qui avaient amassé les bractéates étaient les perdants. Comme on le sait, la culture s'est épanouie et le bien-être généralisé (cathédrales gothiques, cités prospères, etc.). Après l'époque des bractéates, les paysans se sont appauvris, la richesse s'est concentrée en quelques mains, parmi le patriciat urbain notamment.

Wörgl pendant la crise économique mondiale

Le troisième exemple, que de nombreuses thèses de doctorat ont rendu célèbre, est celui de Wörgl. Pendant la crise économique mondiale du début des années trente, le maire de Wörgl, petite ville du Tyrol, a persuadé son conseil communal d'imprimer des bons de travail d'un montant de 32 000 schillings pour payer les employés et les matériaux de la ville. Ce montant en schillings a été déposé en banque comme sûreté. Les bons étaient frappés d'une taxe de liquidité de 1% par mois. Les détenteurs étaient tenus d'y coller chaque mois un timbre d'une valeur de 1%. Pour éviter ces frais, tout détenteur de bon le dépensait le plus vite possible.

L'économie de Wörgl et de ses environs s'est très vite redressée et le chômage a diminué de 25% en un an, alors qu'il continuait d'augmenter vigoureusement dans toute l'Europe. 170 autres communes d'Autriche ont prié le maire de Wörgl de leur faire une conférence.  Daladier, le président du conseil français a visité la ville, puis présenté un rapport à son parlement au sujet de cette expérience étonnante. Irving Fisher a envoyé son assistant en Autriche et s'est exprimé ainsi: «En cas d'application correcte, la monnaie franche pourrait nous sortir de la crise en quelques semaines (p. 98)». Malheureusement, l'institut d'émission autrichien est intervenu après quelque 14 mois pour infraction à son monopole, de sorte que nous ne disposons ici que de résultats à relativement court terme.

Ces exemples prouvent que la monnaie a été capable de se transformer au cours de l'histoire et que rien ne s'oppose à ce que la monnaie franche soit la prochaine étape vers l'amélioration du système monétaire. Le fait que presque neuf dixièmes de la population appartiennent aux payeurs nets du système actuel plaide en faveur de la création d'un système monétaire plus équitable. Une telle démarche oblige, toutefois, à propager le savoir sur les effets qu'exerce le système capitaliste des intérêts cumulés.

Si l'auteur ne sait pas exactement comment la réforme monétaire influerait sur la manière de l'individu d'envisager son existence, il suppose que le souci relatif à la prospérité matérielle, très répandu aujourd'hui, ferait place à la question de savoir comment dépenser le mieux l'argent acquis.

La réforme agraire

La quatrième partie traite de la réforme agraire, Silvio Gesell s'y consacrant avant de passer à la réforme monétaire. Le sol doit être progressivement transféré à la propriété publique. Là aussi, il ne s'agit pas de l'expropriation chère au communisme. D'après la situation du marché, la commune devra dédommager les propriétaires de façon appropriée. Les acquéreurs recevront la terre en bail emphytéotique – et l'auteur y attache beaucoup d'importance – pour l'exploiter en privé. Silvio Gesell écrit à propos de la réforme agraire: «Comment se peut-il, se demande-t-on déconcerté, que des hommes achètent et vendent du terrain comme s'il s'agissait d'une marchandise ordinaire et non d'un bien dont l'humanité dépend, tels l'air et l'eau?» (p. 111)

Comme la monnaie franche, la terre franche doit empêcher la formation d'un revenu en friche. Les fermages remplissent les caisses de l'Etat, ce qui permet de réduire les impôts et laisse assez d'argent à la disposition de la population. La liberté des citoyens en est accrue. Il est évident que non seulement la terre, mais aussi les trésors qui y sont enfouis, tels le pétrole, le charbon et les autres minéraux, appartiennent à tous les hommes.

Les investissements destinés à l'extraction et au traitement de ces trésors seront indemnisés à leur juste valeur, d'après les règles de l'économie de marché. Cette réforme rendrait les guerres moins probables, l'équilibre écologique serait plus facile à rétablir et la terre ne dégénérerait plus en objet de spéculation.

L'auteur attire l'attention sur le fait qu'il faudra prendre des mesures contre la spéculation foncière lors de l'instauration de la monnaie franche. Il doute cependant que seules les propositions de l'économie franche conduisent au succès. Une autre possibilité serait celle de l'impôt suisse de revente.

D'après l'auteur, Silvio Gesell aurait négligé les problèmes techniques de la réforme agraire, tels le financement, la parcellisation et la gestion des terres, mais ils pourraient être résolus en faisant les dépenses nécessaires. Toutefois, on ne dispose que de peu d'exemples réels de terre franche, les seuls se rapportant à des tentatives de coopératives aux succès divers.

Si les réformes monétaire et agraire sont des étapes importantes menant à une société civile libre, elles ne garantissent pas nécessairement un usage des ressources naturelles adapté aux générations futures. Quelques auteurs modernes, tels Kennedy et Eisenhut, proposent donc d'ajouter à ces deux réformes une troisième, la réforme fiscale écologique.

Le fondement philosophique de la théorie de l'Ordre économique naturel

Dans la cinquième partie, l'auteur jette un regard critique sur le contexte historique et le fondement philosophique de la théorie de l'Ordre économique naturel et trace les perspectives d'une méthode solide de réforme moderne. Il examine aussi les interactions entre la théorie de l'économie naturelle et les autres théories économiques ainsi que les mouvements de réforme socio-économique.

La parenté de ces pensées avec celles de Proudhon, leur démarcation par rapport à Marx, l'influence de George, deNietzsche, de Stirner et d'autres sont expliquées. Les caractéristiques philosophiques de l'œuvre de Gesell sont décrites et font l'objet d'une appréciation. Tel est le cas de sa conception controversée de l'Etat, de son aversion envers les frontières et les douanes, du problème du droit intégral au produit du travail, de sa conviction d'une harmonie libérale, de son darwinisme social sujet à des malentendus, de son approbation de l'émancipation féminine – il propose notamment de verser une partie des fermages aux femmes en charge d'enfants – et de ses rapports avec les mouvements réformateurs de l'époque.

Décrivant les relations entre l'Ordre économique naturel et la théorie économique générale, l'auteur indique comment Irving Fischer reconnaissait l'œuvre de Gesell et comment  John Maynard Keynes la louait et la critiquait. Relevons que Keynes considérait l'œuvre de Gesell comme plus prometteuse que celle de Karl Marx. Aujourd'hui, ce sont surtout Helmuth Creutz, son disciple Margret  Kennedy ainsi que Bernard Lietaer, Werner Onken, Werner Rosenberger, Bernd Senf et Dieter Suhr qui poursuivent l'œuvre de Gesell.

S'éloigner de la société 20/80

L'auteur voit dans l'Ordre économique naturel la chance de nous éloigner de la société 20/80 et de nous rapprocher d'une société civile plus libérale. Il propose d'entamer des recherches et de faire des expériences pour mieux connaître ce domaine.

La thèse de doctorat est écrite de manière à permettre au profane de s'y intéresser et de se demander comment organiser l'économie de façon à ne plus être dominé par elle avec son cortège de guerres, de chômage généralisé, de manque d'argent et d'injustice sociale, mais à faire en sorte qu'elle nous serve à organiser notre vie de citoyens libres et prospères dans un ordre social adéquat et prometteur.                     

*Roland Wirth. Marktwirtschaft ohne Kapitalismus. Eine Neubewertung der Freiwirtschaftslehre aus wirtschaftsethischer Sicht. St. Galler Beiträge zur Wirtschaftsethik 34, 2003, ISBN 3-258-06683-3

 

Extraits:

La justice sociale

«Il n'y a justice que si l'équivalence morale de tous les hommes est assurée. Il faut tenir compte dans les mêmes proportions des prétentions légitimes de tout homme concerné par une action concrète ou une réglementation abstraite. Un dialogue ouvert concernant la légitimité des prétentions, lors duquel chacun a les mêmes chances d'être entendu et de faire valoir ses motifs, doit être instauré. Si l'on fait fi des prétentions légitimes de certains groupes ou ne serait-ce que d'un homme, il ne peut être question d'une solution juste. Dans ce cas, la décision correspond au ‹droit du plus fort›, ce que la raison éthique ne saurait soutenir.»

Roland Wirth: Marktwirtschaft ohne Kapitalismus

 

La société civile libérale

«La société civile se constitue surtout par un statut complet du citoyen. Le citoyen est considéré comme un homme complètement développé sur les plans intellectuel et moral, non seulement en état de déterminer par soi-même son existence, mais aussi de participer activement à la vie sociale et politique.  Il s'intéresse au bien commun au sens républicain du terme […] Non seulement les droits généraux du citoyen dans leur plénitude, mais aussi la disposition de chacun à se soucier spontanément des intérêts communs font partie du statut du citoyen.»

Roland Wirth: Marktwirtschaft ohne Kapitalismus

 

Liberté positive

«Le néolibéralisme dont sont empreints les économistes limite pour une grande part la liberté individuelle à la liberté économique et contractuelle. […] Si la mort par famine menace quelqu'un, cette personne se vendra délibérément comme esclave si l'on assure son approvisionnement en vivres. Visiblement, cette attitude n'a aucun rapport avec une liberté bien comprise. Les chances de vie d'un tel individu sont bien moindres qu'elles ne pourraient l'être, compte tenu de l'abondance de biens dans le monde.»

Roland Wirth: Marktwirtschaft ohne Kapitalismus

 

 

 

(Horizons et débats, 29 janvier 2007, 7e année, N°4)




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