Wikileaks, un roi du scoop sous la menace
http://www.lesechos.fr/info/hightec/300418379-wikileaks-un-roi-du-scoop-sous-la-menace.htm#
Le site met en ligne de façon anonyme des documents sensibles et
confidentiels. L'armée américaine aurait envisagé de le bloquer, alors
qu'il est à la recherche de fonds pour survivre.
"Wikileaks a probablement sorti plus de scoops dans sa courte vie que le
"Washington Post" ces trente dernières années". La formule du journal
américain "The National" résume bien l'histoire de ce site collaboratif
spécialisé dans la publication de dossiers confidentiels. Lancé en
janvier 2007, Wikileaks affiche déjà un impressionnant palmarès : des
documents qui suggèrent que la banque suisse Julius Baer aurait aidé ses
clients à blanchir de l'argent et à pratiquer l'évasion fiscale aux Iles
Caïman, le manuel des procédures de l'US Army à Guantanamo, une affaire
de corruption dans l'entourage de l'ancien président kényan Daniel Arap
Moi, des documents de travail sur les négociations secrètes de l'
Anti-Counterfeiting Trade Agreement (ACTA) sur les droits d'auteur, des
détails sur le fonctionnement de l'Eglise de Scientologie, etc.
Le site a également diffusé de nombreuses informations concernant le
krach bancaire islandais de 2008 : une liste de prêts et de lignes de
dettes effacées au profit de certains dirigeants de la Kaupthing Bank
peu de temps avant son effondrement, les négociations entre les
gouvernements islandais, britannique et néerlandais sur le remboursement
des victimes de la banque Icesave (
http://file.wikileaks.org/files/icesave1.pdf et
http://file.wikileaks.org/files/icesave2.pdf )...
Les sources de ces révélations proviennent de "whistleblowers" (lanceurs
d'alerte en anglais), des avocats, fonctionnaires, employés ou simples
citoyens en possession de documents confidentiels, désireux de rendre
publiques des informations sensibles et auxquels Wikileaks assure un
total anonymat grâce à un système de cryptage des données. Une
communauté de 800 journalistes, informaticiens, mathématiciens et
militants s'efforce de vérifier l'authenticité et la validité des
informations avant de les publier sur le site.
Attaqués une centaine de fois en justice, ses éditeurs se battent en
faveur d'une nouvelle législation sur la liberté d'expression. Ils ont
ainsi créé un collectif international et poussé à la rédaction d'une
proposition de loi examinée actuellement par le parlement islandais. Ce
texte, qui compile différentes lois à travers le monde, ferait de l'île,
choisie pour son environnement légal favorable, un cyber paradis de
l'information garantissant la protection des communications et des
sources et interdisant le filtrage du Web.
Mais le succès de Wikileaks est en train de causer sa perte. Submergés
par le nombre de connexions et de documents à stocker - plusieurs
millions de pages -, les responsables ont temporairement ralenti son
activité pour se consacrer à la recherche de fonds. Car le site, avec un
budget annuel de 600.000 dollars, ne vit que de dons de particuliers,
refusant tout soutien d'entreprise ou de collectivités. "Nous avons reçu
plusieurs centaines de milliers de documents relatifs à des banques
corrompues, au système de détention des Etats-Unis, à la guerre en Irak,
à la Chine, aux Nations Unies et bien d'autres que nous ne sommes
techniquement pas en mesure de publier", promet la page d'accueil du
site, soutenu par de nombreux médias "traditionnels".
Une autre menace pèserait également sur Wikileaks. Celui-ci a publié
lundi un document classé secret provenant d'une agence du département de
la Défense américain et qui présente le site comme une "menace pour l'US
Army". Daté de mars 2008, ce rapport de 32 pages indique que certaines
informations peuvent avoir "une valeur pour les services de
renseignements étrangers, les forces militaires étrangères, les insurgés
étrangers et les groupes terroristes afin de collecter des informations
ou planifier des attaques contre les forces américaines". Les auteurs du
rapport suggèrent d'identifier et de poursuivre en justice les éventuels
informateurs du site au sein de l'administration américaine afin de
dissuader la population d'y avoir recours, brisant ainsi la confiance
dans le système de cryptage de Wikileaks. "Nous avons déjà été
confrontés à toute sorte de gouvernements et d'agence de renseignements
privés, affirme Julian Assange, l'un des responsables du site.
Heureusement, nous comptons aussi beaucoup d'amis qui nous veulent du
bien. Nous sommes en train d'enquêter sur ce problème et, quand le
moment sera venu, nous aurons d'autres informations à révéler sur les
agissements de l'armée américaine." Selon lui, jusqu'à présent, aucune
source n'a été révélée depuis la création du site.
PIERRE DEMOUX, Les Echos
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