Clearstream Ferraye. Denis Robert expose à Paris
Denis Robert
© © Galerie WLe journaliste Denis Robert, prévenu au procès Clearstream, expose dans une galerie parisienne jusqu'au 30 octobre
Comme le résume avec un bon mot son galeriste Eric Landau, l'art constitue un peu "la chambre de compensation" du journaliste, qui fut le premier à mettre au jour les pratiques de la chambre de compensation luxembourgeoise.
Enquêteur opiniâtre, Denis Robert est aussi artiste-plasticien, et ses deux activités se font écho.
De fait, Clearstream et la finance mondiale sont au coeur des 70 pièces, dessins, toiles, installations et film, qu'il expose à la Galerie W. Comme si Denis Robert, 51 ans, ne pouvait échapper à cette affaire sur laquelle il aimerait pourtant pouvoir définitivement tirer un trait.
"Je ne dirai plus de mal de Clearstream" ad libitum
Tirer un trait, oui. Ou même deux. Et exprimer sur la toile tout ce qu'il ressent de façon instinctive, immédiate, en laissant de côté l'analyse. On voit ainsi dans ses compositions graphiques des notes, des coupures de presse, des retranscriptions de sms, des listings (eh eh) coupés, collés, agencés.
Et des mots manuscrits tels que cet obsédant pastel "je ne dirai plus de mal de Clearstream, je ne dirai plus de mal de Clearstream", ou cette menaçante forêt de noms de banques en noir et blanc. Et encore cet édifiant labyrinthe baptisé "Seul contre tous" où dansent Fortis, JP Morgan, UBS et Arab Jordan Invest avec en bas à droite, ce "moi" cerclé de rouge, encore palpitant mais en voie de disparition, relégué à la marge, comme submergé.
Quant à l'installation "Les galactiques", il s'agit de 11 serpillères brodées au fil d'or et noir portant chacune un numéro avec le nom d'un des protagonistes de la crise économique, de Kerviel à Madoff, avec le montant des sommes monumentales englouties.
Dans une vidéo d'introduction à cette exposition, Denis Robert ne prononce pas le mot d'exutoire mais confirme que c'est en général la vie qui l'inspire et qu'"un évènement a particulièrement influencé" son travail: celle de la censure dont a été l'objet son livre "Clearstream, l'enquête" en 2006, censure accompagnée d'un silence général assourdissant.
"Une toile, on doit l'aimer, ca doit faire réfléchir, faire rêver. Je travaille sur les mots, pas seulement leur sens mais aussi la calligraphie", leur texture, leur couleur, dit-il encore, avant de conclure: "Les mots parlent". Effectivement, son oeuvre en dit long.
Le travail de Denis Robert est "juste" selon son galeriste
Joint par téléphone au lendemain du vernissage de l'exposition jeudi 24 septembre, Eric Landau, "fondateur et barreur" de la Galerie W avec sa compagne Isabelle Euverte, raconte avoir eu un coup de coeur pour l'homme en mai 2008 et avoir perçu l'artiste sous le journaliste avant même d'avoir pu voir son travail. Lui qui l'a poussé à travailler seul (Denis Robert exposait depuis 2006 en tandem avec Philippe Pasquet) l'expose dès le mois d'octobre, en plein ouragan financier.
Il dit de son travail qu'il est "dans le vrai" et le résume à plusieurs reprises à sa "justesse". Denis Robert "est à l'écoute de ce qui l'entoure et des signes de la vie". Artistiquement, "certaines toiles sont très proches du lettrisme, d'autres de la figuration libre". Il rapproche son travail des démarches de Marc Couturier mais aussi de Raymond Hains, pape de l'art contemporain des seventies. "C'est un natural born artist, un artiste nécessaire".
Au seul soir du vernissage, qui a attiré quelque 1.500 personnes, cinq pièces avaient déjà été réservées. Les prix s'échelonnent de 500 euros à 6.000 euros, payables, précise Eric Landau, en dix fois. Cela pourrait-il permettre à Denis Robert d'en vivre ?
"Spirituellement parlant, cela a été pour lui le moyen de survivre quand il était bayonné", commence le galeriste, avant d'admettre "oui, il envisage d'en vivre, avec les romans et les films". A condition qu'un nouveau crack financier ne vienne pas ternir le tableau ?
Denis Robert, premier à critiquer Clearstream
Ancien journaliste à Libération jusqu'au milieu des années 90, Denis Robert s'est fait connaître depuis 2001 en publiant coup sur coup deux ouvrages, "RévélationS" et "La boîte noire", une enquête fracassante sur la finance mondiale très critique à l'égard de Clearstream et de son rôle présumé dans le grand lessivage de l'argent sale.
Ces enquêtes lui ont valu plusieurs dizaines de procédures judiciaires pour diffamation de la part de Clearstream qui l'ont mis financièrement à genoux.
Mais c'est dans l'autre affaire Clearstream, celle de dénonciation calomnieuse qui oppose en particulier Nicolas Sarkozy à Dominique de Villepin, que Denis Robert se retrouve aujourd'hui impliqué.
Il est soupçonné d'avoir reccueilli les fichiers issus de Clearstream auprès de l'auditeur Florian Bourges et de les avoir transmis à Imad Lahoud, accusé d'être le falsificateur de listings.
Denis Robert, qui bénéficie d'un important comité de soutien, se dit "poursuivi pour journalisme" et ses avocats plaident pour une nullité partielle de l'ordonnance de renvoi en invoquant la Convention européenne des droits de l'Homme qui "garantit la liberté de la presse" et le droit des journalistes de détenir des documents.
Au vernissage de l'exposition le 24 septembre, interrogé sur l'oeuvre qu'il pourrait dessiner pour décrire son état d'esprit à l'issue des premiers jours de procès, Denis Robert a répondu avec humour: "un cerveau comme une vieille éponge compressée, sur un fond noir". La spéculation des marchands d'art peut commencer.
Voir aussi
> Vidéo: Denis Robert parle de sa démarche pour la Galerie W
Junk, du 24 septembre au 30 octobre
Galerie W
44 rue Lepic 75018 Paris
Ouvert tous les jours, même le dimanche, de 10h30 à 20h
> Le site de la Galerie W
> site consacré au procès Clearstream
Quatre oeuvres de Denis Robert | |||||||||
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