Quel parti défendra la démocratie directe ?
Depuis que l'UDC a fait en sorte que l'accord USA-UBS ne soit pas soumis au référendum facultatif (voir ici), il est évident que la défense de la démocratie directe n'est prioritaire pour aucun parti gouvernemental. Ces partis prétendront soutenir la démocratie directe, mais leurs actes parlent plus fort que leurs discours. Le fossé entre le peuple et ses représentants va conduire à l'émergence d'un nouveau parti.Une situation pire qu'en 1992
La situation actuelle rappelle la votation de 1992 sur l'espace économique européen où le fossé entre le peuple et les élus a conduit au renforcement massif de l'UDC. Sauf que la situation actuelle est pire. En effet, le peuple a pu trancher la question de l'adhésion à l'espace économique européen, alors qu'il n'a pas pu s'exprimer sur l'accord USA-UBS, ni d'ailleurs sur aucune des péripéties de l'affaire UBS qui pourtant a conduit à mettre en jeu plus de 60 milliards de francs et à violer le principe de non-rétroactivité. De plus, un parti gouvernemental partageait à l'époque le point de vue du peuple, alors qu'aujourd'hui la défense de la démocratie directe n'est prioritaire pour aucun d'entre eux.
L'UDC s'est définitivement disqualifiée
L'UDC continuera vraisemblablement à défendre la démocratie directe avec davantage de conviction que les autres partis gouvernementaux actuels. Mais le peuple ne peut plus compter sur lui pour cette tâche. Ce parti continuera de jouer un rôle utile en évoquant des problèmes que les autres partis feignent de ne pas voir, mais il ne pourra plus être le parti de la démocratie directe.
Le parti socialiste n'a pas vocation à défendre les droits populaires
Le parti socialiste a été le seul parti gouvernemental à vouloir que l'accord USA-UBS soit soumis au référendum facultatif. Mais cette situation est due au hasard et ne reflète pas un attachement particulier aux droits populaires : le parti socialiste aurait sacrifié le référendum si les autres partis avaient accepté d'accorder les concessions exigées sur les bonus et le « too big to fail ». Par ailleurs, les socialistes ont un problème avec la démocratie directe parce qu'elle n'est pas eurocompatible. De plus, ils sont susceptibles de chercher à faire annuler le résultat d'une votation populaire (initiative anti-minarets), d'en pervertir la mise en œuvre ou carrément de vouloir interdire au peuple de se prononcer. Ils ont aussi tendance à vouloir empêcher leurs adversaires de s'exprimer (interdire certaines affiches ou certains arguments), alors que la liberté d'expression est une condition nécessaire au débat public. Le parti socialiste joue un rôle crucial face aux pouvoirs économiques surreprésentés par les autres partis gouvernementaux. Je me réjouis donc de voir le parti socialiste devenir le premier parti suisse aux prochaines élections fédérales. Mais il ne sera pas le parti de la démocratie directe.
Les partis libéral radical, démocrate chrétien et bourgeois démocratique ont prouvé leur mépris pour la démocratie directe
Le parti radical a été jadis le parti de la démocratie directe. Ce temps est révolu depuis longtemps. Il est désormais le parti des prédateurs. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce que ce parti ait bâillonné le peuple à propos de l'accord USA-UBS. Il n'y avait pas non plus de quoi être étonné que le parti démocrate chrétien et le parti bourgeois démocratique aient voté comme les libéraux radicaux. Avec l'UDC, ces partis constituent une représentation surdimensionnée des pouvoirs économiques, et n'ont pas vocation à défendre la démocratie directe.
Les verts et verts libéraux ? Possible, mais peu probable
A priori, pour les mêmes raisons que les socialistes, les verts ne sont pas destinés à devenir le parti de la démocratie directe. Mais le parti vert étant moins rigidifié que le parti socialiste, une mutation n'est pas exclue, même si elle n'est pas très vraisemblable. Pour les même raisons que le parti libéral radical, je vois également mal les verts libéraux considérer la défense de la démocratie directe comme un objectif prioritaire, même si on peut espérer qu'une mutation serait encore plus vraisemblable dans ce parti neuf que chez les verts. Les verts et les verts libéraux jouent un rôle utile pour défendre l'environnement. Il paraît par contre peu probable que l'un d'eux considère comme prioritaire de défendre la démocratie directe.
Les autres partis sont trop faibles et n'ont pas vocation à jouer un rôle de rassembleur
Il reste encore plusieurs petits partis représentés au Parlement. Chacun de ces partis est vraisemblablement trop faible pour pouvoir devenir le parti de la démocratie directe. Il n'est certes pas exclu qu'un tel parti grandisse. Cela pourrait notamment se produire sous l'impulsion d'un leader charismatique qui profite du fossé entre les élus et leurs représentants. Mais ces partis défendent souvent des idéaux peu susceptibles d'emporter l'adhésion d'une grande partie de la population. Il est certes utile que ces voix puissent s'exprimer, mais ces partis n'ont à priori pas vocation à jouer un rôle de rassembleur.
C'est vraisemblablement un nouveau parti qui prendra la défense de la démocratie directe
Le scénario qui me paraît le plus probable est la création d'un nouveau parti dont le nom pourrait être « Démocratie directe ». On dira que la scène politique suisse est déjà passablement encombrée. Mais les rangs des défenseurs de la démocratie directe sont loin d'être encombrés. Pour que ce parti puisse devenir rapidement fort, il faut qu'il attire des personnalités déjà connues. Il faut aussi qu'il rassemble des membres ayant en commun de considérer la défense de la démocratie directe comme prioritaire, mais pouvant avoir des visions divergentes sur la façon de résoudre les autres problèmes auxquels la Suisse fait face. Ainsi, un parlementaire qui ne s'est pas battu jusqu'au bout contre le court-circuitage du peuple lors de l'accord USA-UBS ne devrait pas pouvoir entrer dans ce parti. ...
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